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Acquisition des entreprises : pourquoi cela échoue très souvent ?

De nombreuses tentatives (66% selon IMPACTIFIED) d’acquisition d’entreprises échouent pour diverses raisons. Mais comment expliquer un tel phénomène et qu’est ce que les vendeurs doivent mettre en place pour minimiser le risque d’échec ?

En 2022, il y a eu un total de 31 717 ventes et cessions d’entreprises en France (la cession d’entreprise signifie le transfert de l’exploitation d’une société engendrant le transfert des actifs du propriétaire à un repreneur). Soit une augmentation de 14,3% par rapport à 2020. Ce rebond du nombre de cessions et de ventes est dû essentiellement à la crise du Covid qui avait durement touché l’activité.

Le chiffre de 2022 est de 12 % inférieur par rapport à celui de 2013. Ces chiffres de ventes et de cessions pourraient être encore plus élevés. En effet, il arrive assez régulièrement que les cédants ne fassent pas assez attention à certains détails, qui peuvent mener ces opérations à un échec. Le taux d’échec est de 40% lorsque la reprise est réalisée par une personne physique hors de l’entreprise (45% des cas). Ce taux diminue à 25 % lors de la reprise par des salariés de la société et à 10% si c’est une reprise familiale. Dans certains cas, la responsabilité de l’échec revient au cédant mais aussi parfois revient à l’acquéreur. Plusieurs autres facteurs comme le contexte économique peuvent également expliquer les raisons de ces échecs.


Des détails qui coûtent cher

Co-fondateur d’IMPACTIFIED et coach en entreprise depuis plus de douze ans, Philippe Bonnet explique les raisons les plus communes des échecs de ces ventes d’entreprises. “L’un des premiers points pour lesquels ces ventes échouent c’est parce que les vendeurs ne savent pas trop combien vaut leur entreprise. Ils ont une idée mais beaucoup trop théorique voire presque une idée qui vient du cœur. Et par conséquent, ils demandent plus que ce que vaut réellement leur entreprise.”

Selon BPIFrance, 1 cédant sur 5 a préféré arrêter le deal. Les deux principaux motifs de cet arrêt sont d’abord la négociation autour du prix de rachat. Ce qui fait écho au point évoqué ci-dessus que le vendeur surestime le prix de vente de son entreprise.

Le deuxième motif qui peut bloquer ces ventes est la due diligence (vérification diligente). Cette dernière est l’ensemble des vérifications que l’acquéreur réalise pour avoir une idée nette de la situation de l’entreprise ciblé. C’est-à-dire, tout ce qu’il y a dans la société (dépôt de brevet, portefeuille client, propriété intellectuelle, locataires…) Et dans certains cas, le prix de base qui était fixé est finalement plus bas à la suite de l’analyse complète car certains points sont moins performants que prévu.” Dès lors, les négociations se trouvent rallongées et le vendeur arrête parfois même de négocier lorsque le prix fixé après le due diligence ne lui convient plus.


Un processus qui nécessite une grande préparation

Le maître mot pour augmenter les chances de réussite serait la préparation. Pour Philippe Bonnet, certains points nécessitent une préparation approfondie. “Ce qui est important c’est d’avoir un portefeuille de clients structuré, avoir un business modèle qui va être plus récurrent. Mais également, avoir une trésorerie qui va permettre à la fois de crédibiliser le fonctionnement de l’entreprise et en même temps qui ne doit pas être grevant au moment de la vente de l’entreprise. Il faut également bien nettoyer les comptes (pertes et profits, anciennes dettes), afin de simplifier la lecture pour l’acquéreur mais aussi pour optimiser au maximum la fiscalité.”

Un des autres points non-négligeables consiste à créer de nouveaux produits, de nouveaux outils qui vont séduire la cible de l’entreprise qui souhaite racheter l’entreprise en vente. Par exemple, une marque de voiture de sport veut vendre son entreprise à une autre dans quelques années. Son potentiel acheteur est spécialisé dans les voitures familiales. La marque sportive peut alors décider de créer un nouveau modèle de voiture familiale pour préparer la cession et ainsi paraître plus intéressante aux yeux des clients de la marque de voiture familiale. Car lors de cette longue préparation, il faut se demander à qui l’on veut vendre l’entreprise. Trois ans à l’avance, on ne sait pas forcément vers quel acheteur on va s’orienter mais si on a une bonne analyse et une bonne stratégie, on peut déjà avoir une idée de la potentielle cible. Et par conséquent orienter les choix de recherche et de développement à réaliser pour être dans le viseur de cette cible potentielle.

Philippe Bonnet poursuit . “Le troisième point de préparation est managérial. En effet, il faut que l’entreprise puisse fonctionner sans l’entrepreneur. Plus l’entrepreneur est indispensable, plus l’entreprise perd de la valeur. Il faut également optimiser les charges de travail. Il faut aussi garder un peu de risque par rapport à l’intérêt. La question est de savoir quels types de risques le vendeur doit prendre car s’il n’en prend pas, cela peut mener à un arrêt de développement.


Le contexte économique et historique lui aussi crucial

Le marché ainsi que la situation économique sont eux aussi des facteurs importants dans la possible réussite de l’opération. En effet, lors d’une période de ralentissement économique, le prix fixé par le vendeur de l’entreprise a tendance à baisser, tout comme le nombre d’entreprises mises en vente sur le marché. En revanche, lorsque l’on se place du point de vue de l’acheteur, acquérir une entreprise pendant une période économiquement difficile peut s’avérer bénéfique. Étant donné que le prix est plus bas, le nouveau dirigeant peut relancer l’activité de l’entreprise par la suite.

L’historique de l’entreprise peut lui aussi être un facteur d’échec. Lorsqu’une entreprise, qui a toujours appartenu à une même famille, et que cette dernière décide de céder leurs biens à un tiers, la situation peut devenir compliquée. Tout d’abord parce que procéder à un tel changement peut grandement bousculer le cadre historique de l’entreprise. Ensuite parce que lorsque l’entreprise familiale est transmise à un autre membre de la famille, généralement il n’y a pas besoin de faire appel à des professionnels. Cela peut coûter cher mais aussi il n’y a pas forcément une nécessité de solliciter des professionnels lorsque la vente est intrafamiliale. Ce qui peut conduire à un manque de connaissances cruciales lorsque l’entreprise change de main.

Cependant, il est important de noter que lorsque l’opération de vente est réussie, l’entreprise continue majoritairement sa croissance. Selon une étude d’Altares, 94 % des entreprises cédées ou vendues sont toujours vivantes trois ans après. C’est environ 20% de plus que pour les créations d’entreprises classiques.

Thomas Duchassin

Stagiaire journaliste pour Finance Mag

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