Assurances

Le changement climatique chamboule le monde l’assurance

Face à l’essor sans précédent des catastrophes climatiques, l’industrie de l’assurance doit se réinventer et repenser son approche.

Les récentes années ont mis en lumière l’impact croissant des phénomènes climatiques sur le secteur de l’assurance. Les risques se transforment à mesure que le climat change, et les assureurs doivent s’adapter. Pour mieux comprendre ces enjeux et les solutions envisagées, nous avons rencontré Louis Bollaert, Chief Revenue Officer de Descartes Underwriting, une startup AssurTech française en pointe dans le développement de l’assurance paramétrique.


Comment les aléas climatiques impactent-ils l’industrie de l’assurance selon votre analyse ?

Dans les aléas climatiques, la tendance est haussière. Des événements qui coûtent plus d’un milliard unitairement au monde de l’assurance, il y en a plusieurs chaque année. Et globalement, on a, année après année, plus de 100 milliards de prises en charge dans le monde. Face à ça, la première réaction que peut avoir un assureur, c’est d’essayer d’augmenter les prix, de passer des hausses de taux et de réduire son exposition, c’est-à-dire soit réduire les limites, soit ajouter des exclusions, soit augmenter les franchises. Et ‘il y a de l’inflation, vous mettez environ 7 % d’inflation deux ans de suite. Les primes, elles n’ont pas suivi cette inflation. Elles ont pu suivre une partie du risque. Mais là, il y a un effet conjugué où on va dire le risque climatique augmente de 10 % et en plus l’inflation va renchérir l’indemnité potentielle de plus de 10 %. Donc les deux phénomènes disjoints sont déjà complexes pour un assureur à gérer


Quels sont les principaux types de risques considérés comme complexes à souscrire par les assureurs, et pourquoi ?

Il y a trois familles de grands risques jugés complexes à souscrire par les assureurs et sur lesquels on a ces phénomènes de désengagement et réengagement assez forts. On a eu la pandémie. Quand ça touche, ça touche tout le monde tout d’un coup. Ensuite, on a le risque climatique et les risques naturels qui deviennent globaux et quasi systémiques. Enfin, on a les risques cyber qui peuvent être hyper systémiques. On n’a pas vu d’attaques systémiques ciblées encore, mais un pays peut être bloqué. Un système peut être bloqué pour des milliers d’entreprises d’un coup. On voit également le risque politique qui resurgit et qui, avec l’interconnexion du monde et la mondialisation au sens large, devient vite un sujet systémique. La guerre Russie Ukraine a un impact systémique sur le blé. Les cours du blé et le commerce du blé mondial reculent. Mais je mettrais cette quatrième famille de risques à part, car la tendance est moins nettement haussière. Globalement, face à ces risques, on observe de véritables phénomènes de retraits des assureurs et une volatilité assez forte, avec une tendance à la rétractation du marché plutôt qu’’à son expansion alors que le risque augmente.


Quels sont les acteurs clés qui devront collaborer pour faire face aux défis posés par les phénomènes climatiques et autres risques majeurs, selon vous ?

Il y aura besoin de tout le monde face à ces phénomènes là. Il y aura besoin de réconcilier le capital, c’est-à-dire les bilans des États, des assureurs, des réassureurs et des fonds, et le risque. La prévention redevient un investissement majeur et le meilleur à faire. Il vaut mieux construire une digue contre les inondations que juste s’assurer et il vaut mieux préparer ses forêts aux feux de forêt avec pour limiter l’impact avec des trouées anti-feu. Il vaut mieux anticiper avec des essences hybrides d’arbres les excès de température. L’assurance permet de combler le dernier trou dans la raquette, et/ou de couvrir les risques extrêmes.


Comment la qualité des données influe-t-elle sur la capacité des assureurs à souscrire correctement les risques, et quelles mesures prenez-vous pour garantir la fiabilité des données utilisées dans votre entreprise ?

Je pense qu’il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de données disponibles. Ensuite, il faut séparer le bon grain de l’ivraie parce que souscrire sur des données de mauvaise qualité n’aide en rien. Il faut bien les qualifier, bien les mettre aux normes. On va s’assurer de leur pertinence et qu’’elles soient utilisables. Plus il y a de profondeur de données et plus on arrive à faire des choses. C’est un énorme enjeu.


Comment votre entreprise aborde-t-elle la nécessité d’investir dans la modélisation du risque pour rester compétitive sur le marché de l’assurance ?

C’est d’essayer d’investir bien davantage dans la modélisation du risque pour pouvoir continuer à souscrire et ne pas être effrayé par cette complexité. En revanche, ce sont des investissements lourds. On a plus de 100 ingénieurs data scientists, software, ingénieurs, DevOps qui bossent toute la journée uniquement sur la compréhension des risques naturels, climatiques et maintenant du cyber. Je pense que ça doit être un morceau de réponse et les assureurs ont peur de ça parce que jusqu’à là, le sacro-saint principe, c’était la mutualisation. C’est intelligent et on est ravi les uns de payer pour les autres. Mais à un moment, il y en a qui voudront plus du tout payer pour les autres. Et il y en a qui se retrouvent carrément privés d’offres. Chez Descartes, on a voulu rendre l’assurance très simple une fois qu’elle est mise en œuvre. La réflexion, elle est en amont et il n’y a plus de débats en aval une fois qu’il y a un sinistre. Je crois que ça, c’est quelque chose pour refaire revenir les gens à l’assurance, plus pratique, plus utilisable. Et in fine, regagner en mutualisation. La boucle est bouclée.

Léo Marchandon

Journaliste pour Finance Mag

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