« 2% pour 2°C », l’appel de Gaël Giraud pour la transition écologique

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Gaël Giraud est économiste, directeur de recherche au CNRS, professeur à l’École nationale des ponts et chaussées, auteur, et prêtre jésuite. Il dirige également le programme justice environnementale de la prestigieuse Georgetown University, à Washington. Spécialiste des interactions entre économie et écologie et du développement durable, il milite pour un changement de vision globale dans l’économie. Invité cet été à l’Université Hommes-Entreprises organisée par le Centre Entreprise et Communication Avancée (CECA) en Gironde, il y fait une proposition : 2% pour 2°C.

Mais avant les propositions, la critique : celle de l’autarcie de la science économique qui trop souvent se perd dans les chiffres pour en oublier les réalités actuelles. « Les outils intellectuels de l’économie mainstream ne sont pas seulement non-pertinents, ils sont dangereux », explique-t-il. Il pointe du doigt un divorce épistémologique profond entre l’économie et les autres disciplines scientifiques, et critique l’imperméabilité des économistes aux autres matières. Pour lui, il est nécessaire d’imaginer un nouveau paradigme de l’économie intégré aux autres matières scientifiques. « Je pense que l’économie doit être une branche de l’écologie », ajoute-t-il. Il donne même un exemple : « j’ai déjà entendu dire ‘6° de réchauffement en plus, c’est seulement -10% de PIB’. Quelle ânerie monumentale !». 

Convaincu de la nécessité de transformer en profondeur, il appelle de ses vœux à réfléchir sur nos systèmes économiques et insiste sur la nécessité d’accompagner la transition avec de vrais changements. Avec l’Institut Rousseau, dont il est président d’honneur, il a fait le pari de tenter de chiffrer la transition écologique.

Combien ça coûte ?

« Une des causes principales de l’échec de la transition est que la reconstruction écologique de nos sociétés se heurte au mur de l’argent », explique-t-il. Il existe un consensus scientifique : pour rester sur la cible des 2°, il faut que la planète entière vise la neutralité carbone nette d’ici 2050, y compris la France. Pour ce faire, il faut identifier précisément les sources de carbone et travailler à leur élimination. 

Qui pollue ? En numéro un, représentant 31% des émissions : les transports, dont la voiture individuelle à 17% du total. Viennent ensuite l’industrie, l’agriculture et le bâtiment, chacun autour de 17% également. L’énergie ne représente que 10% des émissions, dont 5% pour ce qu’il reste d’énergies fossiles dans le mix énergétique. L’Institut Rousseau accompagne son analyse d’une liste de 31 mesures pour décarboner ces secteurs prioritaires. Les plus gros chantiers sont le transport et les bâtiments, et représentent la majorité des coûts calculés.

L’Institut Rousseau chiffre ces investissements, publics et privés confondus, à 182 milliards d’euros par an, soit 57 de plus que le plan actuel. Ces investissements supplémentaires représentent 2,3% du PIB de la France en 2021 : c’est sur ce chiffre que se base Gaël Giraud pour proposer sa formule « 2% pour 2°C ». 2% du PIB d’investissements pour tenter de limiter le réchauffement de toute façon aujourd’hui inéluctable à un niveau supportable de +2°C. Il prend également le temps de nuancer la notion d’investissements : il s’agit en réalité de l’ensemble des dépenses publiques et privées nécessaires pour atteindre les objectifs fixés, qui peuvent aussi bien prendre la forme d’investissements durs que de subventions, de crédits d’impôts ou d’allègements fiscaux ciblés pour favoriser le développement des entreprises qui peuvent mener cette transition. Sur ces 57 milliards supplémentaires, il avance que 36 devraient être pris en charge par l’Etat, soit moins que le budget annuel de la défense, moins que le premier plan d’urgence covid.

Qui va payer ?

Se poser la question est primordial. Combien ça coûte, qui paie ? « On ne pourra pas avancer tant qu’on n’aura pas répondu à ces questions », martèle l’économiste. La transition, et le financement de la transition, ne pourra pas se faire sans le secteur privé. Aujourd’hui, le privé est plus endetté que le public. Pourtant, comme le relève Gaël Giraud, L’Etat peut s’endetter sans mourir, contrairement au privé. Il simplifie encore l’équation : on a besoin du privé pour investir, mais le privé a besoin de se désendetter pour investir. Il faut donc permettre à l’Etat d’investir dans le privé pour remplir les carnets de commande et relancer la machine.

Autre problématique : la règle des 3% du déficit européen. Un « écran de fumée », pour Gaël Giraud. Selon la légende qu’il raconte, les décideurs ont choisi ce chiffre car « il rappelle la trinité ». Le prêtre jésuite en rigole : « c’est une mauvaise analyse théologique ». L’économiste, moins : « C’est surtout une valeur complètement arbitraire ». Mais surtout : ce n’est pas un problème. Le périmètre des 3% n’est pas fixé. Il n’est pas précisé dans les traités européens quels types d’investissement ne doivent pas dépasser les 3% : certains en sont d’ailleurs déjà aujourd’hui exemptés. La proposition de Gaël Giraud est d’exclure du calcul du déficit public les dépenses relatives à la transition, ce qu’il est totalement possible de faire sans même avoir à réécrire les traités.

Autres pistes

Des propositions de financement, Gaël Giraud en a d’autres. L’une d’entre elles est l’annulation des dettes publiques détenues par le système européen des banques centrales. Plus précisément, il envisage l’annulation des 750 milliards de dettes françaises détenus par la banque centrale européenne, en échange de l’engagement de réinvestir 36 milliards par an dans la neutralité carbone, ce qui permettrait de financer 20 ans de transition sans augmenter la dette publique. Une autre voie se trouve dans le recalibrage du système fiscal dans le cadre d’une économie de transition. Taxer les activités et produits polluants pour inciter à adopter des meilleures pratiques, et suppression des dépenses fiscales nocives pour l’environnement comme l’exonération des taxes sur les kérosène. Les vols civils internationaux sont “protégés” par la convention de Chicago de 1944, un accord planétaire qui fait de la non-taxation du kérosène un principe de base. Les vols de jet privés et les vols internes à la France ne sont pas protégés, mais sont pourtant bien aussi exonérés en France ! Derrière toutes ces propositions chiffrées, c’est surtout un changement de vision qui est nécessaire. 

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