Julien Ribeyre, Digital Officer Manager Bpifrance : Comment passer du POC à l’industrialisation au sein des banques ?

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Après une phase d’observation des nouveaux entrants sur le marché financier, les banques ont commencé à échanger avec les Fintech pour voir si elles avaient des bénéfices communs à travailler ensemble. Tous les acteurs du monde bancaire ont fini par saisir l’intérêt de collaborer avec les Fintech. De nombreuses expérimentations ont vu le jour pour tester progressivement ces nouveaux services au sein des banques. Suivant le POC, vient désormais la phase d’industrialisation, qui se confronte à des problèmes d’organisation inhérents aux sociétés traditionnelles bancaires.

Pour essayer de comprendre comment optimiser cette transition du POC à la généralisation, nous avons rencontré Julien Ribeyre, Digital Manager Officer chez Bpifrance lors d’un de ses passages à La Place, dont la banque est Membre fondateur. Julien Ribeyre nous partage avec beaucoup de clairvoyance son retour d’expérience pour faire en sorte que les Fintech ne souffrent pas trop de la rigidité des grands groupes dans le déploiement de leurs solutions.

Julien, pouvez-vous vous présenter ?

J’ai un passé de consultant en management et en organisation dans une société de conseils, Axys Consultants, où j’ai appris les bonnes méthodes d’organisation et de travail, notamment dans l’écosystème digital. En arrivant chez Bpifrance, ma mission première fut de contribuer à la création de la Direction du Digital. A mon arrivée, Matthieu Heslouin venait juste d’être nommé Chief Digital Officer et j’ai eu à l’accompagner pour structurer cette Direction, en mode startup. 

En quoi consiste votre rôle aujourd’hui au sein de Bpifrance ?

Je suis Digital Manager Officer chez Bpifrance depuis deux ans. Mon premier rôle est de structurer notre Direction du Digital pour faire en sorte que chaque collaborateur du service ait les bons outils et les bonnes pratiques pour adresser sa feuille de route de transformation avec les métiers. Lorsque nous n’avons pas un pilote métier spécialisé sur un nouveau métier qui se manifeste, je joue également ce rôle “d’intérim” pour travailler avec les interlocuteurs métiers : il s’agit de cadrer leurs enjeux de transformation. Autrement dit, j’occupe les espaces encore non pris en avance de phase, avant de positionner quelqu’un d’autre pour s’en charger. Mon rôle est véritablement organisationnel ! Depuis peu, j’ai en charge de structurer la démarche innovation interne pour les métiers, les clients et partenaires de Bpifrance. Mon enjeu ici est de savoir comment faire pour tester rapidement une innovation digitale et préparer le terrain au mieux pour le passage de témoin aux équipes de la DSI, qui vont s’assurer que la solution – souvent externe, en mode SaaS, va bien s’intégrer dans le paysage applicatif de Bpifrance. C’est là toute la difficulté et là où beaucoup de structures se font piégées.

Et quelles sont justement ces barrières qui empêchent les entreprises bancaires d’industrialiser les tests d’innovation ?

Le monde bancaire est tout de même très traditionnel : les banques sont beaucoup plus habituées à construire elles-mêmes qu’à acheter une solution technologique. Imaginer que d’autres acteurs viennent fournir un service alors qu’auparavant c’était le rôle de la DSI de construire est compliqué dans les mentalités. Cela met du temps d’accepter cette redéfinition des rôles. En plus de cela, les banques regroupent beaucoup de métiers différents avec des applications qui ont été développées en interne depuis de très nombreuses années. Aujourd’hui, pour les faire évoluer, elles doivent passer dans des cycles applicatifs parfois très longs. Il faut par exemple entre trois à six mois pour passer une correction d’une simple anomalie, et pour ajouter une nouvelle évolution c’est encore plus compliqué. Aujourd’hui, les banques doivent se baser sur des expertises externes pour pouvoir faire évoluer leurs systèmes. Mais il y a un écart entre les banques qui ont un paysage applicatif ancien avec beaucoup de ce que l’on appelle “dette technique”, c’est-à-dire de nouvelles couches rajoutées sur les applications. Il faut aussi dire que les systèmes internes ont souvent été développés par silo métier interne. Chez Bpifrance par exemple, nous avons pleins de métiers différents : le financement, l’investissement, l’innovation, etc. Chaque métier a ses propres applications et nous devons faire en sorte que cette dette technique se réduise tout en intégrant de nouvelles solutions externes pour fournir une expérience client et utilisateur qui soit la plus performante possible.

Pourtant, on entend beaucoup parler de POC et de tests chez les banques françaises ?

Tester n’est pas très compliqué, cela peut même être plutôt rapide. Il suffit de prendre la solution telle qu’elle, de se protéger au niveau sécurité, conformité et juridique. Mais lorsqu’il faut l’intégrer avec notre système, cela devient compliqué. Parce que nos systèmes ne sont pas complètement prêts et nos équipes n’ont pas toujours l’habitude de travailler en transverse avec des solutions externes  De plus, pour déployer une solution innovante sur plusieurs métiers, comme c’est souvent le cas chez Bpifrance, il faut se conformer à énormément de règles différentes et aider les métiers à se poser les bonnes questions ! Les mentalités évoluent favorablement chez Bpifrance et chez beaucoup d’autres banques. il y a énormément d’initiatives innovantes. Nous sommes nombreux à nous poser la question du fameux “scale-up” : comment est-ce que ces sociétés qui nous permettent de nous transformer peuvent être facilement  intégrées dans notre écosystème IT ?

Les banques sont beaucoup plus habituées à construire elles-mêmes qu’à acheter une solution technologique. Imaginer que d’autres acteurs viennent fournir un service alors qu’auparavant c’était le rôle de la DSI de construire est compliqué dans les mentalités. Cela met du temps d’accepter cette redéfinition des rôles.

Combien d’expérimentations internes réalisez-vous avec des startups ?

Aujourd’hui, nous réalisons une vingtaine d’expérimentations par an. Si l’on réfléchit en entonnoir, sur la vingtaine d’expérimentations annuelles, 3 à 4 projets parviennent à être déployés dans l’année. Cette phase de cadrage et d’expérimentation dure entre trois et six mois, et pour passer à la généralisation, il faut compter au moins six mois. A ce stade stratégique, nous devons se conformer à certaines règles comme la mise en concurrence, la sécurité, le juridique, etc. avec des métiers qui ne maîtrisent pas toujours les risques liés à ces nouvelles  technologies. Il faut comprendre que chez les banques, il y a beaucoup d’envies pour innover. Mais derrière, il y a des règles, des processus et une culture établis depuis de nombreuses années qu’il faut réussir à transformer en profondeur pour être plus agile dans le passage à l’échelle.

Pouvez-vous nous citer les plus gros projets d’innovation digitales menés chez BPI France ?

Nous avons par exemple travaillé sur le projet du Prêt Flash TPE pour financer l’immatériel des TPE françaises, à hauteur du montant fixe de 10 000 euros, avec une durée de remboursement de trois ans. Ce Prêt est co-financé par les Régions et des banques : nous avons lancé un premier pilote avec la Région Bretagne, où nous sommes également partenaire de Crédit Mutuel Arkéa, et un autre pilote avec la Région Haute France et la Caisse d’Epargne. Nous sommes ici justement dans cette logique d’industrialisation du service et c’est la plateforme Younited Credit qui est complètement intégrée dans le parcours, depuis la banque partenaire jusqu’au décaissement du prêt immatériel de 10 000 euros. Ici, nous nous appuyons directement sur la plateforme technologique de Younited Credit ce qui nous permet d’avoir beaucoup plus de vélocité et d’agilité dans la commercialisation de ce type de produit. . 

Nous sommes également en train de digitaliser toute notre chaîne KYC (Know Your Customer), de la collecte des documents jusqu’à la digitalisation des contrôles de lutte anti-blanchiment et financement du terrorisme. Sur ce sujet, nous sommes sur un sujet très transversal, qui concerne les clients, la conformité, les métiers, etc. Nous travaillons avec la Fintech Flaminem en ce moment pour adresser ces problématiques. Nous avions commencé à collaborer en mode exploration et le succès ayant été au rendez-vous, nous avons entamé le déploiement pilote de Flaminem : nous faisons un tour de France dans les prochaines semaines pour former nos collaborateurs des  implantations régionales à cette nouvelle solution et ses usages clés…

Il faut comprendre que chez les banques, il y a beaucoup d’envies pour innover. Mais derrière, il y a des règles, des processus et une culture établis depuis de nombreuses années qu’il faut réussir à transformer.

Est-ce qu’alors l’industrialisation de la solution est plus performante lorsque la Fintech a plusieurs points de contacts en interne ?

Lorsque nous avons une opportunité de développement d’un nouveau service ou juste une contrainte que l’on veut solutionner par une solution externe d’une Fintech, nous privilégions chez Bpifrance un seul point de contact au début. Il s’agit du Pilote Digital Métier qui est à la fois rattaché au Digital et au Métier concerné. Même si je peux l’aider, c’est lui qui gère l’expérimentation et qui garde le lien avec les différents acteurs. Nous avons défini des critères bien en amont qui permettent de dire si l’expérimentation est un succès ou un échec. Il faut éviter les “zones grises” sans critères de succès entendus au préalable. S’il est donc reconnu que c’est un succès, nous allons passer le témoin à la DSI où un chef de projet sera en charge de mener à bien la généralisation au sein de Bpifrance. 

Quel conseil donneriez-vous aux Fintech qui sont en phase d’industrialisation de leur solution auprès de banques ?

Je dirais qu’il faut bien évaluer en amont le niveau de maturité de la banque concernant sa demande : s’il s’agit d’une idée, d’une première ébauche, il faut s’attendre à ce que cela prenne beaucoup de temps. S’il y a déjà un processus, avec un calendrier et des jalons clairement définis, cela représente autant d’indicateurs positifs quant à l’engagement de la banque d’aller plus loin que le simple POC si celui-ci s’avère positif. . D’ailleurs, je conseille aux Fintech de s’informer auprès de leurs banques prospects sur le processus d’expérimentation en vigueur : quels sont les chiffres annoncés ; si la banque travaille déjà avec d’autres Fintech ; quels sont les critères de succès de l’expérimentation souhaitée et leur importance dans la décision de passer l’étape du POC, etc. En travaillant avec des banques, les Fintech doivent être prêtes à tester vite et à avoir ensuite quelques difficultés à passer à l’échelle supérieure : mais ce ne sera pas de leur ressort, ce sera celui des banques. 

Il faut déjà que les Fintech proposent un minimum de garanties sur les aspects concernant la sécurité de leur IT ! Elles doivent aussi avoir un cadre juridique carré, notamment sur la partie conformité, gestion des données, respect des règles RGPD, etc. Si tous ces aspects sont structurés, cela facilitera véritablement la suite du parcours avec la banque et ensuite, le passage à la généralisation. Mais il faut s’armer de patience car tout n’est pas de leur ressort.

Je conseille aux Fintech de s’informer auprès de leurs banques prospects sur le processus d’expérimentation en vigueur.

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