Dessine-moi l’agence bancaire du futur, par Philippe Auther

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Ce matin de février 2025, je sautais de mon lit, me souvenant de ces mots d’un ancien candidat à la Présidence de la République, fustigeant la finance, ayant toujours considéré les banques comme un « mal nécessaire », un service quasi-obligatoire, pour lequel je ne voyais pas pourquoi je paierais. Et puis, tous ces banquiers gagnent déjà bien leur vie, non ? Certes, ils jouent un rôle primordial dans la fluidité monétaire de l’économie, la souveraineté d’un pays, au final sa démocratie. C’était dans l’air ambiant.

*Crédits photos : La Voix du Nord (Agence “nouvelle génération” du Crédit du Nord)

Pour moi, la banque, c’était avant tout une appli, des messages envoyés à un conseiller que je n’avais jamais vu, sauf une fois en visio, et surtout de la réactivité, de la disponibilité. Je n’avais pas de temps à perdre avec une activité « administrative ». Ce matin-là, ça en était trop ! Cela faisait la troisième fois que j’appelais ma banque, en fait un énième centre d’appels, au sujet de ma e-carte bancaire qui avait été bloquée sur mon smartphone, je ne sais par qui, m’obligeant à quémander à des amis et à mes parents de quoi couvrir mes dépenses les plus courantes. Mon compte avait toujours été bien fourni pourtant ! Et mon banquier avait bien dû se nourrir sur mon argent. Aussi, éprouvant un véritable ras-le-bol, me faisant balader entre des conseillers et télé-conseillers, qui se rejetaient la faute, je décidais, résolu, de me diriger vers mon agence. En plus, cela tombait bien, la radio, ce matin, annonçait que l’Etat se trouvait dans une impasse quant à la gestion de la dépendance, les seniors vivant de plus en plus longtemps. En pleine quarantaine, ce n’était pas mon sujet de préoccupation, bien qu’au travers de mes parents, je voyais bien que je n’y échapperai peut-être pas. Je me disais que j’en profiterais pour voir ce que ma banque pourrait bien me proposer. En tous cas, j’étais déterminé, en attente de réponses, d’une prise en charge, sans me faire balader. Je faisais l’effort de me déplacer. La banque avait intérêt à se montrer à la hauteur ! « Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi ! »

Je me dirigeais donc vers mon agence, dans laquelle je n’étais pas allé depuis plus de 10 ans, n’ayant eu finalement que peu d’occasions de m’y rendre. Je trouvais conseil sur les produits financiers au travers des réseaux sociaux, et n’avais pas vécu d’événements majeurs qui eût mérité un tel déplacement, comme un divorce ou une perte d’emploi. La dernière fois, cela avait été pour retirer un chéquier, un moyen de paiement complètement disparu, signe du temps qui passe. Aujourd’hui, la banque et ses produits par définition dématérialisés, étaient devenus encore moins visibles, le digital ayant été totalement digitalisé ! Je me demandais même s’il existait encore des humains dans les agences et ce qu’ils devaient bien pouvoir faire de leurs journées.

Déambulant dans un centre-ville déserté, où les boutiques avaient laissé la place à des « musées », vestiges du monde avant la révolution technologique, puis financière et sociale, je m’engageais dans la rue principale, adresse de ma banque. Avec la montée en puissance des robots, la place des agences avait été au cœur de grandes discussions, de pressions des élus, qui voulaient préserver des emplois dans leurs villes, mais aussi d’associations de consommateurs, et surtout des citoyens, qui ne comprenaient pas que des banques si puissantes, si rentables, puissent détruire de l’emploi. L’air du temps était à un capitalisme responsable, qui devait assumer sa responsabilité dans l’équilibre fragile d’une société et de la place de l’humain.

Je distinguais l’enseigne de ma banque qui brillait de mille feux, dans cette rue inanimée, comme un phare, un point de ralliement au cœur d’un univers gris et froid, comprenant que cette présence était probablement une forme de résistance à la déshumanisation provoquée par les nouvelles technologies, l’automatisation, l’émergence des robots. Finalement, cette banque portait peut-être une part d’humanité, qui, par sa présence, promouvait des valeurs, une marque, une image, un engagement.

En entrant, ce fut un choc. Un robot, ou plutôt un humanoïde, m’interpelait, me souhaitant la bienvenue, m’appelant par mon nom, me demandant si j’allais bien, et me disant que mon problème de e-carte allait pouvoir être réglé par M. Durand, mon conseiller, disponible dans exactement 19 minutes. Je supputais un système de reconnaissance faciale, certainement couplé à une analyse cognitive de mon profil. Il me proposait d’utiliser ce temps d’attente, en me dirigeant vers l’espace « gestion de la dépendance », où je pourrais alors rencontrer, non seulement des clients qui se posaient les mêmes questions que moi, mais également les partenaires, qui composaient une offre packagée, globale d’accompagnement face à la dépendance.

Je pénétrais dans cet espace dédié, où se trouvaient des écrans interactifs, qui distillaient une information complètement adaptée à mon profil, ma vie. Les données captées tout au long de ma vie permettaient de définir, avec une marge d’erreur de 5%, la date à laquelle je pourrais connaître des ennuis de santé, et donc me proposaient, en temps réel, une solution incluant une assistance de restauration et de services d’infirmerie, le tout à domicile, pour une somme de 880 € par mois, à compter de ce jour. Une forme d’assurance, somme toute. La banque ne vendait plus des produits bancaires, mais devenait un partenaire de vie, présent aux moments forts. Finalement, conscient que nous n’avions de moins en moins de vie privée, j’avais eu raison d’accepter de partager mes données. Elles me rendaient bien service aujourd’hui. Je savais aussi que la banque ne dérogerait jamais à ses valeurs, à son éthique de tiers de confiance. La tech ? Oui, mais contrôlée, avec de l’éthique ! Des clients, présents également dans une démarche continue de construction de l’offre, partenaires ou clients finaux, étaient de la partie, dans un vrai esprit d’entraide, comme une communauté locale. Je ressentais, avec satisfaction, ce rôle sociétal, bien au-delà de belles valeurs ânonnées par des entreprises en manque d’inspiration. La banque, et l’agence, son reflet, étaient devenues une institution, suppléant même l’Etat.

Les 19 minutes d’attente passées, M. Durand, mon conseiller, vint à ma rencontre pour gérer mon désagrément lié au blocage de ma e-carte. Après une rapide interrogation de mon dossier, il, m’expliqua que je n’avais pas rempli la nouvelle convention de services envoyée par le back-office. Mais, ce qui me surprit le plus est qu’il alla chercher auprès des équipes service après-vente, présentes dans l’agence, le fameux document pour me le faire signer, ce que je fis à l’instant. Immédiatement, ma e-carte fut débloquée. Aussitôt, le conseiller, qui m’indiqua être également actionnaire de l’agence et donc responsable de sa rentabilité, décida de m’offrir un billet pour un spectacle donné par un de mes artistes préférés, en guise de compensation de cette expérience-client désastreuse. Là encore, l’analyse de la donnée faisait des merveilles et indiquait mes goûts musicaux. Moi qui croyais que les établissements bancaires avaient, depuis plus de 20 ans, procédé à la création d’usines de traitements administratifs, en déshabillant des agences, qui ne pouvaient plus alors accompagner les clients « de bout en bout », reléguant le conseiller bien souvent à un rôle de passe-plat, entre un client perdu et un back-office centralisé. Je me rappelais qu’un dirigeant d’une grande banque française avait affirmé que le métier de banquier était avant tout un métier de service après-vente. De détracteur, je devenais un ardent promoteur de la marque, ma mauvaise humeur disparaissant.

Quelle expérience de venir dans cette agence, reflet d’un nouveau métier, non pas celui de banquier tel que je l’imaginais, mais d’un partenaire de vie, qui ne cherche pas uniquement à vendre ses produits ! En sortant, je rencontrais Monsieur le Maire qui saluait le renouveau du quartier, grâce à ce nouveau centre d’intérêt, au cœur de sa ville, où secteurs public et privé s’entremêlaient, où temps court et temps long se réconciliaient, où citoyens et clients étaient respectés. J’étais plus que convaincu que l’humain était un animal social avec des besoins de contacts, sources de vie, en quête permanente d’émotion. D’être sorti de chez moi, de mon canapé avec mes écrans, je prenais conscience, que, sans hasard de la rencontre, la vie paraissait bien fade, insipide et que cette « agence-agora », au-delà de tous les leviers technologiques, était avant tout humaine.

Je saluais la vision de quelques dirigeants de banques qui avaient su développer une vision, malgré la pression court-termiste de leurs actionnaires, qui probablement les poussaient à maintenir le modèle historique rentable de banque, sans y être d’ailleurs acculés par l’urgence du syndrome de la NDE (Near Death Experience), qui avait fait disparaître des pans entiers de l’économie.

Throughout the centuries there were men who took first steps down new roads armed with nothing but their own vision.

Ayn Rand
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