Pierre Dutaret (Libeo) : « C’est dans les périodes de crise que l’on reconnaît les investisseurs expérimentés »

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La trajectoire de Libeo ferait pâlir bien des fintechs françaises : créée par trois entrepreneurs en 2019 avec l’idée de faciliter les paiements entre entreprises, la startup lève 2 millions d’euros en novembre 2019 et commercialise sa première offre dès le mois de décembre. Alors que la crise liée au Coronavirus s’abat violemment sur l’Europe, Libeo boucle une nouvelle levée de fonds de 4 millions d’euros à la fin du mois de mars. Pierre Dutaret, co-fondateur et CEO, revient pour nous sur les principales évolutions qu’a connues sa startup ces derniers mois, son point de vue sur le capital risque européen et sa vision de l’avenir.

Bonjour Pierre. Tout d’abord, pourquoi cette nouvelle levée de fonds, quelques mois seulement après votre première levée en seed et dans ce contexte si compliqué pour les startups ?

Cette levée de fonds intervient en effet moins de six mois après la première, réalisée auprès de Breega et de quelques Business Angels en novembre dernier. Les choses sont allées très vite depuis : nous avons obtenu notre agrément bancaire début décembre 2019 et avons pu lancer véritablement la solution dans la foulée. Les chiffres ont d’emblée été excellents, et les VC sont naturellement venus nous voir. L’idée en relevant des fonds était de capitaliser sur ce succès et d’accélérer encore davantage. A vrai dire, nous n’étions même pas en roadshow, nous parlions simplement de nous refinancer via un bridge auprès de Breega. Cela s’est su dans le milieu du VC, et les propositions des fonds ont alors afflué. Nous avons essayé de garder la tête froide et nous sommes efforcés de présélectionner les fonds qui pouvaient nous apporter une réelle valeur ajoutée par rapport à nos investisseurs existants. Nous avons échangé avec les fonds en mars et avons signé le termsheet à la fin du mois.

Nous allons utiliser les 4 millions d’euros levés afin d’une part d’accélérer le déploiement commercial et d’autre part de développer de nouvelles fonctionnalités pour satisfaire au mieux nos clients. 

Est-ce que la crise du Covid-19 et le contexte économique qui s’en est suivi ont joué le rôle d’accélérateur dans la signature du termsheet ?

Pas vraiment non. Nous ne fabriquons pas de masques ! Plus sérieusement, Libeo n’apporte pas de solution directe à la crise sanitaire. Cependant, je pense que le confinement et la généralisation du télétravail sont venues appuyer plus encore la nécessité d’une solution digitale pour aider les PME à traiter les factures de leurs fournisseurs. Ce qui est sûr en tout cas, c’est qu’on n’a pas observé après la crise un regain d’intérêt pour Libeo qui viendrait contraster avec un quelconque manque d’intérêt avant.

Comment expliquer alors la rapidité avec laquelle s’est conclue votre levée de fonds ?

On peut l’expliquer par trois facteurs d’après moi : d’abord par la nature de l’opportunité que nous représentons et le momentum lié à notre secteur, ensuite par la qualité des investisseurs qui nous ont approchés, et enfin, par la solidité financière dans laquelle nous nous trouvions avant cette levée de fonds.

Si nous avons levé des fonds aussi rapidement, c’est avant tout parce que le paiement entre entreprises est un sujet extrêmement porteur pour la fintech, et que nous sommes l‘un des seuls acteurs à traiter le problème avec cet angle en Europe. Les meilleurs VC sont capables de se positionner très vite sur ce genre de sujets, ils ont généralement investi dans des startups similaires sur d’autres géographies donc sont déjà familiers de nos problématiques. Ainsi, nos potentiels investisseurs n’ont pas mis des semaines pour faire leur due diligence, ils étaient au contraire pour la plupart animés par une peur de passer à côté du deal. C’est aussi dans ces périodes de crise, incertaines à bien des égards, que l’on reconnaît les investisseurs expérimentés, dont la motivation à conclure un deal ne faiblit pas au premier obstacle. Enfin, la solidité financière dont pouvait se targuer Libeo et l’avance de cash dont nous bénéficiions avant la crise ont permis de rassurer les investisseurs et de ne pas les inciter à modifier les termes de la levée. 

Pourquoi avoir choisi LocalGlobe, un investisseur anglais généraliste, qui investit essentiellement dans des startups européennes early stage

Dans le milieu entrepreneurial, on entend souvent que le plus important n’est pas le projet mais l’équipe qui le porte. A mes yeux, cet adage est également valable pour les VC et le board qui t’accompagnent en tant que startup. LocalGlobe est un investisseur européen très expérimenté, à mille lieues du comportement de certains investisseurs avides qui voient dans la crise une aubaine pour renégocier les termes à leur avantage.

Qu’est-ce qui distingue vos différents investisseurs ?

LocalGlobe est très complémentaire de Breega, le premier fonds d’investissement à avoir investi dans Libeo dont nous apprécions beaucoup l’état d’esprit. Ce qui caractérise Breega, c’est une approche « mathématique » du VC, avec des attentes en termes de metrics et de business models, doublé d’un ADN d’entrepreneurs. Revendiquer une telle approche est très rassurant en période de crise, c’est d’ailleurs ce qui a sûrement attiré LocalGlobe. Lorsque ces derniers nous ont contactés, nous nous sommes tout de suite aperçus que ce n’était pas seulement parce qu’ils avaient eu de bons échos sur Libeo, mais bien parce qu’ils étaient déjà convaincus de la valeur de notre produit. Leur fonds d’investissement est expert des sujets fintech comme le paiement : ils ont investi très tôt dans des acteurs comme Robinhood, Tide et Transferwise. En cela, LocalGlobe incarne l’approche anglo-saxonne du capital risque : leur premier apport, et non des moindres, se fait sur le plan des innombrables connexions avec l’écosystème du Venture Capital aux Etats-Unis, qu’ils connaissent sur le bout des doigts. Pour nous, c’est extrêmement inspirant et rassurant de pouvoir être épaulés par des investisseurs qui ont façonné le monde du VC américain. Lorsqu’on leur propose une idée qu’ils valident, on se sent d’autant plus en confiance.

En quoi un investisseur comme LocalGlobe représente-t-il une autre manière de faire du VC en Europe ?

Déjà, l’équipe n’est quasiment constituée que d’investisseurs seniors, qui portent très loin les startups dans lesquelles ils investissent – et ce dès le seed. Comme je le disais, par la qualité de leur portefeuille et l’ancienneté de leur fonds, ils ont un accès très important au monde de la Tech, en particulier aux Etats-Unis. LocalGlobe réfléchit bien au-delà du business model et des opérations – ce que Breega fait très bien pour sa part. Pour un VC comme LocalGlobe, plus que le chiffre d’affaires ou la rentabilité, l’important est la valeur que va délivrer la startup à l’utilisateur. Cette approche value-driven est caractéristique d’une approche très anglo-saxonne du VC, que l’on ne retrouve pas forcément en Europe continentale. Avant de se demander à quel moment on va faire payer ses clients, on cherche là où il y a le plus de valeur à créer – ce qui est particulièrement pertinent en seed. Le meilleur exemple d’une telle conviction est l’investissement de LocalGlobe dans Citymapper – qui aurait été plus difficilement soutenu par un VC « classique » d’Europe continentale. Un contre-exemple que je vois en France est Zenly, qui a eu la chance d’être soutenu très tôt par le fonds de Xavier Niel. En somme, si je n’avais pas peur d’être caricatural, je dirais que LocalGlobe reflète une prise de risque assumée, caractéristique de l’état d’esprit des VC anglo-saxons.

Où en êtes-vous aujourd’hui en terme de business ?

Nous avions 200 entreprises dans le réseau au lancement de la solution, en décembre dernier. Aujourd’hui, nous en comptons 5000, et avons processé 2 millions d’euros en trois mois. Dans l’immédiat, nous concentrons nos efforts sur le déploiement commercial de la solution en France mais projetons toutefois d’ouvrir un pays européen dans les 12-18 mois qui viennent.

Comment sont répartis vos clients ?

40% de notre chiffre d’affaires provient du secteur des services, pour lequel notre solution est particulièrement adaptée. Nous servons aussi les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration, où nos clients choisissent leurs fournisseurs en fonction de leurs produits, et ont donc affaire à une multitude de système de facturation différents.  Nous travaillons également beaucoup avec les acteurs de la grande distribution et du e-commerce. 

Une dernière question : comment en êtes-vous arrivés à monter Libeo avec vos associés ?

J’avais pour ma part travaillé 6 ans en banque d’affaires avec l’ambition à terme de monter mon entreprise. Moyennement convaincu par les nombreux projets de copycat dans la Tech, je me suis tourné vers un secteur plus traditionnel et un peu moins concurrentiel : la restauration. J’ai ouvert plusieurs restaurants, et l’idée de Libeo a mûri pendant 5 ans dans ma tête. En temps que patron, je ressentais le besoin d’une solution de facturation digitale aussi simple d’utilisation que Lydia en B2C. En faisant quelques recherches, j’ai trouvé qu’il existait des solutions de ce type en Asie et aux Etats-Unis, mais rien en Europe. J’en ai parlé à Jérémy Attuil, avocat d’affaire spécialiste du secteur bancaire avec qui j’avais travaillé sur des problématiques juridiques. Nous avons rencontré Pierre-Antoine il y a un an et demi, alors qu’il travaillait chez Blablacar : c’est le seul de nous trois qui a un background à la fois Tech et et sur le paiement. Nous étions complémentaires, avions le même âge et partagions la même vision du secteur. A partir de là et avec beaucoup de travail… la magie a opéré !

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