Stabilité bancaire post-Covid : faut-il revoir les accords de Bâle ?

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La pandémie, imprévisible et grave dans ses  effets sociaux et économiques, confirme l’importance d’orienter les banques vers un comportement vertueux et prudent. Les accords de Bâle, destinés à assurer la stabilité des systèmes bancaires, étaient jusqu’ici adaptés pour répondre aux situations de crise. A l’aune de cet épisode sanitaire inédit, est-il nécessaire de les faire évoluer ?

Les accords de Bâle, des outils créés pour renforcer la solidité du système financier mondial

En 1974, la fin du système de Bretton Woods (1971), le choc pétrolier (1973) et la faillite de trois institutions financières importantes ont amené le G10 à créer le comité de Bâle. Ce comité avait 3 objectifs majeurs : renforcer la solidité du système financier mondial et l’efficacité du contrôle prudentiel, renforcer la coopération entre régulateurs bancaires et éditer les meilleures pratiques bancaires en établissant des normes réglementaires. Les premiers fruits de ce comité ont été récoltés en 1988 avec Bâle I, dont les objectifs étaient d’endiguer le risque de crédit, d’assurer la stabilité des systèmes bancaires et d’instaurer un nouveau ratio de solvabilité, le ratio Cooke. 

Au début des années 1990, les produits dérivés se sont développés à vitesse exponentielle, donnant ainsi naissance à des risques hors bilan de plus en plus importants. Il y avait donc une nécessité accrue d’amender Bâle I afin de prendre en compte les risques de marchés. Il a fallu attendre 2004 pour arriver aux accords de Bâle II. Cette nouvelle version était destinée à améliorer les procédures de surveillance prudentielle et à instaurer une exigence minimale de fonds propres des banques. 

Cependant, la crise des subprimes de 2008 a mis en avant l’instabilité du système bancaire, ainsi que la sous-pondération des risques (risque de marché et produits complexes) notamment sur les opérations de titrisation et de re-titrisation. Bâle II ne prenait pas en compte les risques de liquidité. En réponse, les accords de Bâle III sont donc érigés 2 ans après seulement . L’objectif principal de Bâle III est la mise en place d’une réforme totale du dispositif prudentiel international par l’amélioration des fonds propres et une augmentation significative du ratio de solvabilité, de 8 à 10,5%. La mise en application de ce dispositif a bénéficié d’une mise en œuvre échelonnée entre 2010 et 2019.

Bâle III (ou Bâle IV) reportée à 2025, un délai nécessaire pour prendre en compte les nouvelles règles

L’entrée en vigueur de Final Bâle III, ou Bâle IV, comme elle a été nommée dans le milieu bancaire, a été reportée, du fait de la crise COVID19, dans un premier temps à 2023 et puis à 2025, pour augmenter la capacité opérationnelle des banques à faire face aux défis de la pandémie. Les banques et les régulateurs vont pouvoir se servir de ce délai complémentaire pour approfondir et mieux percevoir les impacts de cette nouvelle réglementation et  les anticiper à travers les  négociations qui, vont forcément se poursuivre.

En effet, après avoir jeté les bases d’une augmentation du niveau et de la qualité des fonds propres, le régulateur international s’est fixé dès 2015 l’objectif d’accroître la crédibilité et la comparabilité des mesures de risques, tout en simplifiant les mécanismes de calcul. Cela a nécessité des interventions approfondies sur les règles dans l’objectif de renforcer la robustesse et la sensibilité au risque des approches standardisées, et de réduire l’utilisation de modèles internes dans le cas de portefeuilles pour lesquels les banques ne disposent pas de données suffisantes. Il s’agissait aussi de connecter des méthodes et des systèmes standards basés sur des modèles internes afin de contenir le « dividende modèle ». 

En ce qui concerne le risque de crédit, la plupart des modifications apportées prend en compte les pratiques répandues au sein de l’Union Européenne. Concernant les approches des modèles internes, la nouvelle norme interdit leur utilisation pour les expositions en instruments de capitaux propres. De plus, elle ne permet pas d’utiliser les paramètres de perte interne en cas de défaut (LGD) et d’exposition au défaut (EAD) pour les types d’expositions pour lesquelles il est difficile d’estimer les paramètres de risque en raison du manque de données disponibles.

En matière de risque opérationnel, Bâle IV modifie profondément la réglementation actuelle en proposant une approche standard unique pour le calcul de l’exigence de fonds propres. Selon la nouvelle méthode, l’exigence de fonds propres est fonction de deux facteurs : le volume d’exploitation de la banque (Business Indicator Composant) et – pour les moyennes et grandes banques uniquement – le niveau des pertes passées résultant des risques opérationnels enregistrés par la banque dans les dix dernières années.

Des effets procycliques à craindre de ces réformes ? 

Le système bancaire européen semble avoir globalement bien résisté à l’impact de la pandémie. Les banques ont réussi à apporter leur soutien au système productif et ont contribué à atténuer les effets de la crise. Le rôle contracyclique des intermédiaires de crédit a été favorisé par les interventions des gouvernements et des autorités monétaires et de supervision. Immédiatement après le début de la pandémie, l’adoption de mesures généreuses, et incisives, de soutien au crédit a permis aux entreprises de bénéficier de conditions favorables d’accès au crédit et, pour les banques, de contenir l’absorption de capital par les nouveaux prêts. 

Il est largement admis que les réformes réglementaires Bâle III ont contribué à la capacité des banques européennes à faire face à la crise sanitaire. Ces réformes ont effectivement entraîné un renforcement significatif du capital et de la liquidité des banques, augmentant la confiance du marché dans leur solidité et dans leur capacité à absorber des chocs importants et inattendus. Pour cette raison, il semble logique d’attendre une approche cohérente du régulateur européen en voulant compléter la mise en œuvre de Final Bâle III (ou Bâle IV), avec notamment la révision du traitement prudentiel du portefeuille de négociation.

Cependant, la conformité réglementaire reste un défi et la Covid-19 entraîne inévitablement une augmentation du risque de crédit dans les portefeuilles bancaires et une pression vers l’augmentation des RWA et des exigences de fonds propres en raison de la détérioration de la qualité de crédit d’un large éventail d’emprunteurs (particuliers et corporate). Dans ce contexte, la mise en œuvre du cadre final de Bâle III avec ses modifications importantes des exigences en capital apparaît comme un vrai challenge, non seulement pour les banques, mais aussi pour les économies, si l’on ne tient pas compte des changements de paramètres induits par la crise, avec un risque sérieux d’effets procycliques forts que certains acteurs économiques et financiers redoutent.

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