Bitcoin peut-il devenir le refuge des oligarques russes ?

Contenu sponsorisé

Share on twitter
Twitter
Share on linkedin
LinkedIn

L’Ukraine a légalisé mercredi dernier l’usage des cryptomonnaies. De quoi permettre au bitcoin de franchir un nouveau palier de développement dans le contexte du conflit russo-ukrainien. Les oligarques russes vont-ils profiter de cet élan de généralisation du bitcoin pour mettre leur fortune au chaud ? Les analyses divergent. 

Le président Volodymyr Zelensky a signé, mercredi dernier, une loi adoptée quelques jours avant le début de la guerre, légalisant l’utilisation des cryptomonnaies en Ukraine. Entre les deux étapes législatives, l’Ukraine a reçu des millions de dons en crypto, pour un montant dépassant les cent millions d’euros, selon le ministère de la transformation numérique ukrainien. Désormais les banques peuvent ouvrir des comptes aux entreprises qui utilisent les cryptomonnaies.

Les échanges systématiquement tracés

Face à l’effondrement du Rouble et aux mesures de sanctions prises par l’Europe, les oligarques russes peuvent aussi être tentés de se tourner vers les cryptomonnaies pour mettre leurs fortunes à l’abri. Le bitcoin et ses cousins pourraient être une alternative pour permettre aux hommes d’affaires proches de Poutine de conserver leurs avoirs en monnaie internationale. “Sauf que la cryptomonnaie est le système financier le plus transparent. Il trace systématiquement l’origine des fonds” rappelle Pierre Gérard, fondateur de la société Scorechain, basée au Luxembourg et spécialisée dans la conformité réglementaire des actifs cryptographiques. “Vous pouvez acheter à peu près n’importe quoi n’importe où, avec une valise d’un million de dollars en billets. La trace de la valise va être vite perdue. Avec le bitcoin c’est tout le contraire.”  

Les oligarques seraient donc dans l’incapacité de transformer des milliards de roubles en bitcoin ? “Celui qui investirait cent millions de bitcoins aujourd’hui, ne pourrait plus rien en faire dans deux ou trois ans. C’est très compliqué de résister à une analyse poussée en crypto sur l’origine des fonds. On peut toujours vérifier si ce que vous dites est vrai, dans quelles circonstances vous avez investi, d’où proviennent les gains”, poursuit Pierre Gérard. 

Le bitcoin est trop petit pour planquer des milliards

Adli Takkal Bataille, co-fondateur du Cercle du Coin et consultant en cryptomonnaies décrit le bitcoin comme une “monnaie discrète mais pas anonyme: les informations ne sont pas requises a priori. On en sait plus sur l’investisseur qu’avec du cash mais moins qu’avec un compte bancaire.”

A propos de la valeur refuge que pourrait devenir le bitcoin pour les oligarques russes, il y voit plusieurs écueils. “D’abord qui va concrètement accepter leur argent et favoriser leur entrée dans le système bitcoin? Et puis comment pourront-ils sortir ces liquidités? Tant qu’on n’est pas dans un monde où on peut dépenser allègrement en bitcoins, ça ne va pas leur servir à grand chose.”

Selon Adli Takkal Bataille, si les oligarques avaient cherché un salut dans le bitcoin, on le saurait déjà: “Le bitcoin est trop petit pour planquer des milliards aisément et les oligarques pèsent des centaines de milliards d’actifs; ça aurait déjà impacté fortement le cours qui aurait atteint des milliers d’euros. Il n’y a pas la liquidité bitcoin suffisante pour encaisser un tel mouvement. Il y a bien eu une légère hausse du cours qui laisse plutôt penser que ce sont les petits épargnants russes qui ont cherché une opportunité de sauver leurs économies.” 

Qui veut acheter des actifs russes dans la période ? 

Enfin il y a un frein imposé par la logique de marché: “Convertir des actifs n’est pas si facile. La valeur liquidative d’une propriété n’est pas la valeur du marché. Un oligarque russe qui est propriétaire de 50% d’une compagnie pétrolière ne peut pas vendre ses parts en un claquement de doigts contre des roubles qui se dévaluent chaque jour et les échanger en bitcoin via je ne sais quel intermédiaire qui, au passage, pourrait le bloquer.” 

Les plateformes qui convertissent le bitcoin en euros ont les mêmes contraintes de conformité à la réglementation en matière de KYC (“Know Your Customer”) et d’AML (“Anti-Money Laundering”) que les acteurs traditionnels. “Dans le monde de la finance qui est ultra réglementé, quand vous êtes un paria, vous restez un paria,” martèle Adli Takkal Bataille. 

Contourner les intermédiaires réglementés

Jonathan Herscovici, fondateur de Stackinsat et inventeur du plan d’épargne en bitcoin, pense au contraire que les fortunes russes vont à l’évidence saisir l’opportunité pour sauver leurs meubles: “D’ailleurs l’utilisation bitcoin a été multipliée par dix ou vingt depuis un mois en Russie. Dans l’absolu, oui tout est tracé si on a recours à une boîte comme Stackinsat ou toute plateforme réglementée. Chez nous on va exiger un questionnaire KYC ( Know Your Customer) qui va désanonymiser la clé publique. Mais l’oligarque russe va évidemment contourner tout intermédiaire réglementé. II y a des moyens d’acheter du bitcoin de façon complètement anonyme. C’est illégal, mais si on veut le faire, c’est possible. Il y a même des moyens un peu plus sophistiqués pour mixer ses bitcoins que l’on a déjà et les rendre anonymes. Un oligarque saura trouver les personnes capables de réaliser ces opérations pour lui.” 

L’allié chinois pour éviter les sanctions

Par ailleurs, les Russes ont déjà trouvé un allié dans la guerre des sanctions financières que leur livrent l’Europe et les Etats-Unis. Selon le quotidien britannique The Telegraph, la deuxième banque russe, la VTB Bank, propose désormais un compte épargne en yuans chinois, avec un taux d’intérêt motivant de l’ordre de 8%. Tandis que le Yuan numérique, déjà présenté aux JO d’hiver de Pékin, pourrait également voler au secours des Russes exclus du réseau Swift. Le China International Payments system ou CIPS pourrait leur rendre les mêmes services que Swift pour les échanges internationaux. Une parade contre les sanctions occidentales qui ouvre aux Russes les portes d’un autre système dirigé par le parti communiste chinois, donc censurable à tout moment. L’échappatoire de court-terme peut s’avérer risquée à moyen et long terme.

Dans ce contexte, le développement communautaire et non censurable de bitcoin va continuer de piquer la curiosité des particuliers, des entreprises, des institutions et même des Etats. Jusqu’à convertir une partie de leur trésorerie en bitcoin, à accepter des paiements ou à percevoir l’impôt en bitcoin? Après le Salvador et l’Ukraine, le Nigéria et le Vietnam pourraient être les prochains sur la liste de la conversion officielle aux cryptomonnaies. 

Share on twitter
Twitter
Share on linkedin
LinkedIn

La newsletter

Abonnez-vous à notre newsletter, pour ne rien rater des grandes tendances et des transformations du secteur !