Nicolas Reboud (Shine) et Jehan de Castet (Fluo) : comment les Fintech se rémunèrent-elles ?

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Beaucoup des innovations apportées par les Fintech sont des innovations technologiques, qui demandent des investissements et beaucoup de temps de préparation. Mais les Fintech se font également remarquer pour leur capacité à proposer de nouveaux modèles économiques et bouleverser ceux établis et quasi institutionnalisés par les grands acteurs de la finance. Sur le modèle du marché des télécoms, les startups Fintech proposent désormais des comptes bancaires sans frais, des mutuelles d’assurances avec commission à l’acte, des versions d’appel gratuites, etc. Elles déroutent les offres classiques et séduisent. Pour l’utilisateur, tout paraît plus simple, moins cher, pratique.
Mais du point de vue des Fintech, comment se rémunèrent-elles ? Comment assurent-elles suffisamment leur rentabilité tout en proposant des offres moins chères voire gratuite ?
Nicolas Reboud, co-fondateur et CEO de Shine (arrivé sur le marché en 2018) et Jehan de Castet, co-fondateur et CEO de Fluo (et anciennement CEO des Furets.com), lèvent le voile sur leurs modèles. 

Qui êtes-vous Nicolas Reboud ?

@Nicolas Reboud
Je suis un des deux co-fondateurs de Shine, dont je suis aussi le CEO. Avec Raphaël Simon, nous avons commencé à travailler dessus en 2016 et le produit est en ligne officiellement depuis mars 2018.
Shine est le co-pilote des indépendants : c’est un service d’accompagnement administratif pour les indépendants , fondé sur la base d’un compte pro en ligne.

Qui êtes-vous Jehan de Castet ?

@Jehan de Castet
J’ai créé Fluo car en tant que consommateur, je me pose souvent des questions à propos de mes assurances et je n’ai jamais de réponses. J’ai créé la première solution qui permet de savoir, par exemple lorsque je pars en voyage, si je suis déjà couvert ou non par ma carte bancaire, ou lorsque je loue une voiture ou pars au ski, etc.
Les comparateurs d’assurances sont très bien mais très souvent, ils proposent des compagnies qui sont complètement online et cela peut faire peur aux clients (peur de perdre des garanties ou des services, etc). Les consommateurs apprécient de pouvoir parler à un expert qui leur répond sur toutes leurs questions : peu importe leurs assurances ou s’ils changent de compagnie.  Fluo améliore la qualité de service, la simplicité et la clarté des assurances en apportant ce conseil avant le choix de l’assurance et pendant la vie des contrats en offrant les bons conseils en cas de sinistres, optimisation des garanties…

Quels sont les derniers chiffres clés de Shine ?

@Nicolas Reboud
Shine compte aujourd’hui 35 000 utilisateurs. Il y a 8% des créations de statuts de micro-entrepreneur parmi toutes celles effectuées en France qui se font sur Shine. Ce sont les seuls chiffres sur lesquels Shine communique pour le moment.

Quels sont les derniers KPIs de Fluo ?

@Jehan de Castet
Aujourd’hui, on a plus de 100 000 téléchargements de notre application Fluo. Toute notre communication se fait par bouche à oreille. De plus nous avons de nombreuses intégrations avec des partenaires du monde bancaire et marchands. Nous visons un reach de plus de 2 000 000 d’utilisateurs via nos partenariats avant la fin de l’année 2018.

Shine et Fluo sont deux services d’accès gratuits pour le consommateur, du moins, c’est comme cela que vous vendez vos applications. Première question simple : comment vous rémunérez-vous ?

@Nicolas Reboud
Nous avons des commissions appliquées sur certaines transactions. Typiquement lorsqu’on utilise sa carte à l’étranger, ou lorsque l’on fait des retraits ou lorsqu’on se fait payer ses factures par carte. Donc il y a plusieurs mouvements et transactions sur lesquelles on prend des commissions.
Par ailleurs, nous allons lancer une version Premium dans les mois qui viennent (avant fin 2018). On prévoit par la suite de vendre des services financiers.
@Jehan de Castet
Notre modèle est de conseiller les utilisateurs sur les assurances déjà possédées ou qu’ils souhaitent acheter. Fréquemment, nous conseillons de ne pas acheter d’assurance car les couvertures déjà possédées par les utilisateurs suffisent. Dans ce cas, Fluo n’est pas rémunérée. Dès qu’il y a une opportunité d’être mieux assuré à des prix plus compétitifs, Fluo est alors rémunéré comme courtier par les assureurs partenaires. Cette rémunération n’a aucune influence sur les conseils et l’impartialité de Fluo.

Jehan de Castet, entre le lancement de Fluo en 2013 et aujourd’hui, avez-vous dû faire pivoter votre modèle économique ?

@Jehan de Castet
Nous avons eu la vision d’être B2B dès le début. Nous avons lancé notre prototype en 2014 et nous avons commencé les premières intégrations web en 2016 sur des sites marchands. On ne peut pas dire que nous avons pivoté depuis, car aujourd’hui nous sommes en train d’exécuter notre stratégie.
C’est très clairement l’émergence des néo-banques qui accélère notre exécution ces 18 derniers mois. Pourquoi ? Parce que pour les néo-banques, l’expérience utilisateur est prioritaire devant tout autre objectif. Fluo est totalement alignée avec ce positionnement : ainsi, un partenariat avec Fluo permet aux néo-banques de renforcer leur avance en terme d’engagement client tout en générant des marges.

Nicolas Reboud, vous avez lancé l’application Shine en début d’année 2018 : avez-vous eu des surprises dans les modèles que vous proposez à vos utilisateurs ?

@Nicolas Reboud
Nous n’avons pas tellement évolué dans notre roadmap. Ce qui nous a surpris, par rapport à nos prévisions de départ, c’est la création du statut d’auto-entrepreneur, qui a eu beaucoup plus de succès que ce à quoi on s’attendait. Cela représente aujourd’hui la moitié de nos utilisateurs.

Comment les banques traditionnelles peuvent faire évoluer leurs modèles ? Pensez-vous d’ailleurs que cela soit possible ?

@Nicolas Reboud
Leur grande inertie et leur structure de coût ne leur permettent pas de faire ce que l’on fait à la même vitesse. Je pense que la plus grande opportunité pour les banques traditionnelles, c’est de faire des partenariats avec les Fintech, parce que nous avons la capacité à cibler des cibles plus précises, plus rapidement et de créer des applications qui sont appréciées.
En revanche, les banques traditionnelles continuent à avoir des licences bancaires et des infrastructures qui leur permettent de créer certains produits que nous ne pouvons pas créer rapidement. Pour faire de l’assurance et du crédit, on a tout intérêt à s’associer à des banques. Je pense que le business model des banques et assurances doit devenir celui d’un fournisseur de solutions, pour les publics qu’ils ciblent mal aujourd’hui. Et qu’ils s’appuient sur nous, les Fintech, pour distribuer leurs produits.

Pensez-vous que les banques ont réellement besoin des Fintech, malgré le fait qu’historiquement les banques détiennent une base clientèle beaucoup plus importante que les Fintech ?

@Nicolas Reboud
C’est vrai, mais de moins en moins vrai. Quand on voit le taux de pénétration des Fintech, d’ici 5 ou 10 ans on peut penser qu’une part significative du marché et des usages se fera du côté des Fintech.
@Jehan de Castet
Il ne faut pas s’imaginer que les banques et assurances n’ont jamais innové.
Par exemple, les banques ont connu un succès éclatant lors de leur innovation dans la vente d’assurances : les banques sont devenus assureurs et ont gagné des parts de marché. L’innovation a clairement été dans leur ADN. Par contre, les banques ont eu plus de temps pour innover. Par exemple, elles ont eu 15 ans pour se faire une place dans la distribution d’assurance ! Aujourd’hui, les cycles d’innovation sont plus courts, ce qui n’est pas forcément favorables à de grosses entreprises qui ont un certain héritage à gérer, tant technologique que managérial.
Pour continuer à innover, il faut être encore plus agile : effectivement, les partenariats avec les Fintech et Insurtech sont une très belle opportunité pour les banques, pour pallier à ce manque d’agilité.

Les banques ont-elles besoin de changer leur modèle économique ?

@Jehan de Castet
C’est une question compliquée, cela dépend des banques : à priori le modèle d’une banque est de vendre un service financier. C’est la façon dont elles vont exécuter ce modèle qui va être amenée à évoluer car les habitudes des consommateurs changent.
Par exemple, avec l’émergence de l’utilisation du mobile, il y a une nouvelle opportunité d’engager le consommateur et de rendre l’assurance beaucoup plus claire et beaucoup plus simple. Les habitudes évoluent et les banques ont cette opportunité d’évoluer. Certaines réussissent à saisir ces opportunités grâce à des partenariats avec des Fintech, d’autres le font en interne.

Quel est le meilleur conseil que vous pourriez donner à une Fintech pour gérer sa rentabilité ?

@Jehan de Castet
Il faut se focaliser sur un ou deux indicateurs clés. La rentabilité est compliquée à atteindre. C’est même parfois trop ambitieux. Mais il faut avoir des indicateurs clairs, simples : la satisfaction client, des taux de viralité, des taux de recommandation, de l’utilisation ou de la vente…
@Nicolas Reboud
Je suis d’accord avec Jehan. Je rajouterai que la rentabilité dépend des marchés. Il ne faut pas créer des produits sans objectif de chiffre d’affaires. L’usage seul ne suffit pas : il faut vendre des produits pour lesquels les gens sont prêts à payer.
La profitabilité au niveau unitaire est également importante : on gagne de l’argent sur chaque client. La priorité pour une Fintech est de trouver une cible qui a été mal servie par les acteurs traditionnels, de trouver de meilleurs moyens pour les servir et de passer sa vie à les comprendre de mieux en mieux. C’est ce qui fera la différence avec les acteurs traditionnels.

La majorité des actualités startups relayées dans la presse concerne leurs levées de fonds. Pourtant, cet indicateur n’est pas forcément représentatif de la rentabilité de la société. Quel est votre avis ?

@Nicolas Reboud
Je suis complètement d’accord ! Pour être sincère avec vous, on a failli ne pas communiquer sur notre levée de fonds chez Shine (8 millions d’euros, en septembre 2018). Mais c’est tellement une information attendue par l’écosystème, que l’on s’est tout de même dit qu’il était difficile d’y couper.
Une levée de fonds ne veut pas rien dire non plus. Il ne faut pas penser que les investisseurs donnent leur argent comme cela, sans contrepartie. Si jamais une entreprise lève des fonds avec un investisseur qui n’était pas déjà au capital et qu’il s’agit d’une levée de fonds significative, c’est quand même le signe qu’il y a eu des succès et qu’il y a de vrais chiffres derrière. Pour autant, il y a beaucoup d’autres éléments qui peuvent entrer en compte lors d’une levée de fonds et qui ne sont pas significatifs. On a vu des échecs avec des boîtes qui ont levé des centaines de millions d’euros, et on a vu des boîtes qui n’ont jamais levé et qui font un carton.
Mon sentiment est que l’on accorde trop d’importance à cet indicateur. Mais on ne peut pas dire pour autant que cela ne veut rien dire.
@Jehan de Castet
Sur les 3 premiers trimestres 2018, 84% des introductions en bourse au niveau mondial concernait des entreprises non profitables, un record ! Sachant que le dernier record était de 81% en 2000, pendant la bulle internet. Aujourd’hui, nous ne sommes plus du tout dans le même contexte. La levée, et même dans ce cas l’introduction en bourse, n’est donc pas toujours corrélée avec la rentabilité. La levée de fonds est plutôt corrélée avec une attractivité de la solution face à un marché qui existe ou qui se crée.
Il y a une appétence plus forte, tant des consommateurs que des investisseurs, pour des entreprises qui rendent service et qui ne sont pas forcément profitables, ce qui leur permettent d’atteindre des valorisations plus élevées.
Le fait que la presse s’intéresse surtout aux montants des levées n’est pas seulement un phénomène Fintech. Je pense que le sujet intéressant pour la presse est surtout d’aller au-delà de la levée de fonds et d’expliquer plus en détails les innovations de ces startups. Le sujet de Shine par exemple est fabuleux mais est-ce que c’est uniquement la levée de fonds qui est intéressante ? Non ! C’est le service et le product-market fit.
Mais les journalistes ont besoin de chiffres et une levée de fonds est un chiffre. C’est aussi à nous entrepreneurs d’éduquer les journalistes sur : pourquoi on existe ? quel est le service que l’on apporte ? Avec la technologie, on arrive à trouver des solutions à des problèmes qui étaient insolubles auparavant. Bien utilisée, la techno permet de rendre des services très concrets.
@Nicolas Reboud
Nous n’avons jamais encore eu le problème de journalistes qui ne communiquaient que sur notre levée de fonds. La plupart des journalistes me recontacte pour demander où nous en sommes, nos KPIs, les projets pour la suite…

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