Andréa Toucinho : "Nous vivons actuellement une période charnière"

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Banques, Fintech et GAFA fournissent toujours plus de nouveaux services de paiement : nous pouvons désormais payer sans contact, avec des plafonds repoussés d’année en année, avec son smartphone ou sa montre connectée, etc. Certains pays comme la France ont mis plus de temps à adopter ces usages et à créer un véritable effet de masse. Dans d’autres pays comme la Suède, la plupart des commerçants refusent désormais le paiement en liquide dans leurs magasins.
Très bien, mais quel est l’objectif final ? Gagner du temps, moins s’encombrer ?
Est-ce que pour autant ces nouveaux services nous aident à y voir plus clair dans notre argent ? A mieux gérer nos finances ?
Regard d’Andréa Toucinho, experte en paiement, fintech et banque.
[Vous pouvez également retrouver l’analyse d’Andréa Toucinho dans la chronique : “Prêcheurs du paiement mobile en France : votre combat est loin d’être fini” par Charles-Henri Gougerot-Duvoisin]

A quoi répondent les dernières innovations du paiement, comme le sans contact ?

Les dernières innovations du marché des paiements répondent aux évolutions technologiques inhérentes à la société actuelle. Ainsi, le sans contact, que vous citez, représente avant tout une innovation technologique s’inscrivant dans la volonté de positionner la carte de paiement dans les transactions de petit montant, limitant les échanges en espèces et, de ce fait, le temps d’attente en magasin.
D’autres exemples méritent d’être cités, comme le paiement mobile qui, s’il est pour l’instant relativement embryonnaire dans l’Hexagone en termes d’usages en comparaison avec la carte, représente une réelle évolution notamment dans le domaine du P2P et du paiement à distance. De même, l’instant payment s’inscrit dans cette évolution technologique liée au monde moderne en répondant à l’exigence d’instantanéité liée à la société contemporaine et aux habitudes des nouvelles générations.
Mais n’oublions pas également l’enjeu géostratégique que représente cette dernière innovation, 100% européenne, née d’une volonté institutionnelle de renforcement de la souveraineté européenne face aux acteurs émanant des Etats-Unis et d’Asie. En résumé, nous pouvons donc dire que les innovations caractérisant le marché des paiements s’inscrivent dans les évolutions technologiques et sociétales liées au monde actuel et représentent des enjeux géostratégiques non négligeables qu’il est fort pertinent d’analyser.

On a vu en France certains de ces nouveaux usages mettre du temps à être adoptés par le grand public : qu’est-ce que cela veut dire ? Un besoin de sécurité ? Ou un besoin de plus d’explications ?

Le marché des paiements est certes très dynamique en matière d’innovations, il n’en reste pas moins caractérisé par un certain délai d’adoption des nouveaux outils. Cela pour plusieurs raisons. D’une part, la culture et l’histoire du marché des paiements nous apprennent qu’il est très difficile de bousculer les habitudes des consommateurs. Proposer un moyen de paiement, si innovant soit-il, ne suffit pas à faire réellement basculer les usages. Celui-ci doit ainsi être accompagné de services à valeur ajoutée pour réellement aboutir à une adoption par les consommateurs. D’autant plus que la France est un marché caractérisé par une relative prédominance de la carte, très appréciée aussi bien sur le paiement de proximité que le paiement à distance. Réalité difficile à contourner. Les paris stratégiques ou les volontés institutionnelles ne suffisent donc pas à installer ou supprimer un moyen de paiement. Un exemple : le chèque, dont beaucoup de professionnels prédisent et/ou travaillent au déclin depuis un certain nombre d’années mais qui reste encore utilisé par les consommateurs aussi bien particuliers qu’entreprises car il répond à certains usages précis, difficiles à contourner.
Autre réalité, cette fois liée à l’écosystème des paiements : la garantie de la sécurité est essentielle car, rappelons-le, l’écosystème repose en grande partie sur la confiance des consommateurs à l’égard des institutions et des outils qu’ils utilisent. Cela rejoint l’impératif de pédagogie et de communication que vous citez et qui est effectivement primordial pour l’adoption des moyens de paiement. Deux raisons qui expliquent également le délai d’adoption des nouveaux moyens de paiement en France. Le sans contact, par exemple, fait l’objet de débats de Place depuis plus de dix ans et a effectivement été adopté par le grand public de façon relativement récente, en comparaison avec d’autres pays, comme le Royaume-Uni. 

Les nouveaux moyens de paiement et les nouveaux services associés peuvent-ils (aussi) nous aider à mieux gérer nos finances personnelles ?

Absolument. Pléthore de nouvelles solutions de paiement sont associées à des services à valeur ajoutée œuvrant dans ce contexte. A titre d’exemple, nous pouvons citer l’innovation mPOS ayant été proposée à certains professionnels et qui a souvent été commercialisée par les entités dans le cadre d’un catalogue d’offres dédiées au pros.
L’instant payment, que je vous citais un peu plus tôt, représente un paiement en temps réel et implique donc la possibilité, en théorie, pour les consommateurs, de gérer leurs finances dans un contexte d’instantanéité.
Autre exemple, l’agrégation d’informations, prise en compte dans la dernière réglementation paiement (DSP2) qui représente la possibilité, pour les consommateurs d’avoir une vision consolidée de leurs comptes. 

Andréa Toucinho, ne pensez-vous pas que la dématérialisation des transactions et la démultiplication des produits financiers rendent la gestion de notre argent plus complexe (le revers de la médaille en quelques sortes) ?

Concernant la première partie de votre question, à savoir la dématérialisation des transactions, je pense au contraire que cela participe à une plus grande gestion des dépenses. Multicanal, instantanéité et dématérialisation participent ainsi à une évolution vers une gestion des finances en temps réel, par voie électronique, et donc de façon potentiellement consolidée et mobile. Bien entendu, cela suppose que les consommateurs finaux, particuliers et entreprises, soient accompagnés par les entités sur la bonne utilisation de ces nouveaux outils émanant de la transformation numérique. De quoi renforcer l’impératif de communication et de pédagogie de plus en plus prégnant face aux mutations de ce secteur.
Concernant la démultiplication des services financiers, la situation peut en effet apparaître beaucoup plus complexe pour le consommateur final, d’autant plus dans un contexte où le paiement se veut de plus en plus invisible. Nuançons que la variété d’outils proposés constitue certes, une complexité pour les consommateurs, mais peut s’apparenter à une richesse si les instruments proposés répondent à des usages précis et s’accompagnent de services à valeur ajoutée appréciables par les clients.
La forte concurrence du secteur du paiement (entre les banques traditionnelles, les banques en ligne, les Fintech type Qonto, les services des GAFA, etc.) est-elle saine ? Va t’elle pouvoir perdurer ?
La concurrence entre les acteurs du marché et le contexte d’ouverture que vous décrivez ne peuvent à mon sens qu’apporter du dynamisme et donc de la richesse au secteur. En ce sens, la concurrence, vecteur d’innovation et d’évolutions, est relativement saine. Bien que des interrogations, voire des inquiétudes demeurent, notamment sur le sujet des GAFA, le marché européen des paiements et la France sont caractérisés par une réglementation solide reposant sur deux piliers : ouverture du secteur et protection/sécurité des consommateurs, garantissant un équilibre certain.
Concernant la pérennité de cette situation, il est évident que le foisonnement aboutira tôt ou tard à une concentration du marché sans pour autant nuire à une catégorie d’acteurs en particuliers. A mon sens, le marché des paiements – et plus généralement les services financiers – sont désormais positionnés sur une logique de co-construction du marché de demain. Banques, fintech, établissements de paiement, nouveaux entrants… tous participent à la richesse du marché. De nombreux partenariats ou acquisitions ont vu le jour et cette tendance va continuer. D’un point de vue plus global, les GAFA – ou encore les acteurs asiatiques comme Alipay qui ne cesse de se développer en Europe, représentent en effet un modèle et une stratégie distincts. Mais leur pérennité et leur réussite en Europe dépendront des choix qui seront faits par les consommateurs finaux. De quoi confirmer que nous vivons actuellement une période charnière.

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