Les banques au cœur du combat contre la traite des êtres humains

Nicola Eschenburg
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Le rapport FinCrime Threat Intelligence élaboré par BAE Systems vise à aider les institutions financières à mieux comprendre les profils transactionnels qui pourraient indiquer un risque de traite des êtres humains par l’exploitation du travail. En comprenant les comportements des victimes impliquées, le secteur bancaire peut mieux détecter et perturber ce type d’activité criminelle. Le rapport se concentre sur un mode opératoire selon lequel un groupe sophistiqué du crime organisé fait venir des victimes de l’étranger, les place dans des emplois légitimes et contrôle les comptes bancaires recevant leurs salaires, qui servent ensuite d’entonnoirs financiers aux auteurs de la traite. Ce type de trafic peut se dérouler à grande échelle, sous nos yeux et dans des secteurs dont nous bénéficions tous directement, comme la chaîne logistique alimentaire. 

Le rapport, disponible sur demande, examine une étude de cas réelle au Royaume-Uni, appelée Operation Fort, et détaille les signes qu’une banque doit connaître pour identifier les preuves de ces transactions criminelles. 

L’ampleur du problème

L’esclavage moderne et la traite des êtres humains sont des activités mondiales très lucratives et étroitement liées. Ils génèrent des profits illicites d’au moins 150 milliards de dollars par an pour les trafiquants, avec plus de 40 millions de personnes touchées dans le monde, dont près de 25 millions en situation de travail forcé. Le gain financier est la principale motivation de la plupart des groupes criminels organisés, ce qui explique pourquoi les groupes criminels organisés qui commettent des infractions liées à la traite peuvent agir davantage comme des entreprises que comme de nombreuses entreprises criminelles. Rien qu’au Royaume-Uni, entre juillet et septembre 2020, 2506 victimes potentielles de la traite des êtres humains ont été présentées au mécanisme national d’orientation, dont environ 25 à 30 % concernaient le travail forcé. Nombre de ces victimes ont besoin d’un soutien si elles parviennent à échapper à leurs ravisseurs ; l’Armée du Salut est chargée par le gouvernement de fournir ce service de soutien et, entre juillet 2019 et juin 2020, elle a aidé 1081 victimes d’exploitation par le travail. Ces chiffres ne représentent que les personnes qui apparaissent grâce au travail des organisations caritatives, de la police et d’autres services actifs en première ligne, mais il y a beaucoup plus de victimes qui ne sont pas détectées.

Pertinence pour les institutions financières

Les fonds générés par la traite des êtres humains sont considérés comme des produits du crime, de sorte que toute banque manipulant cet argent facilite le blanchiment d’argent. Dans ce scénario particulier, les groupes de criminels utilisent des comptes bancaires de détail ouverts au nom de leurs victimes pour blanchir l’argent et dissimuler leur implication. Pour éviter d’enfreindre les réglementations relatives à la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, les banques doivent donc être en mesure de détecter les liens entre les comptes des victimes et les auteurs, et il est essentiel de pouvoir détecter les diverses couches d’activité qui constituent ce trafic.

Définition de la typologie

Bien qu’il existe de nombreuses façons différentes de commettre ce genre d’exploitation de l’être humain, il y a généralement huit étapes clés à comprendre, chacune avec ses propres techniques et flux financiers potentiels. En comprenant les comportements à chaque étape, les banques sont en mesure de comprendre plus clairement les profils transactionnels des clients à risque et d’identifier à la fois les victimes et les auteurs.

À l’aide de l’approche en entonnoir, on voit comment un groupe criminel organisé sophistiqué exploite des victimes depuis l’étranger, les place dans des emplois légaux et contrôle les comptes bancaires sur lesquels elles sont payées. Ces comptes font office d’entonnoirs financiers pour les auteurs du crime.

Profils des acteurs 

Ce type de criminalité peut toucher des personnes de tout âge, de toute origine ethnique et de tout sexe, ce qui rend le profilage difficile. Cependant, les groupes de victimes et d’auteurs sont souvent issus de groupes nationaux ou ethniques uniques ou étroitement liés, tandis que les différents profils des victimes et des auteurs sont plus souvent associés à des modes opératoires spécifiques, ce qui peut faciliter la détection. Pour ce mode opératoire spécifique, ls criminels ont la tâche facilitée si les victimes sont en mesure de travailler légitimement dans le pays où elle sont transférées, c’est pourquoi les pays pauvres de l’UE ont été des sources communes. Enfin, la victime est susceptible d’être une personne vulnérable en situation financière difficile.

Conclusion

Ce mode opératoire peut être considéré comme un trafic d’êtres humains à l’échelle d’une entreprise ; les gangs peuvent gagner des millions grâce au dur labeur d’autres personnes dans des entreprises qui ne savent pas qu’elles utilisent des individus victimes de trafic. De plus, il est particulièrement insidieux car il se déroule sous nos yeux et, bien que les industries les plus touchées examinent de plus en plus attentivement leurs chaînes logistiques, il est possible de faire beaucoup plus. Pour une banque, ce comportement est difficile à repérer, car les victimes utilisent leurs vrais documents et reçoivent des salaires légitimes, mais c’est l’aspect réseau de ce crime qui pourrait et devrait être repéré. 

Le Covid-19 aura sans aucun doute un impact énorme sur cette typologie ; d’une part, il a rendu les voyages plus difficiles, mais d’autre part, il y a moins d’interaction face à face, ce qui permet aux auteurs de rester potentiellement cachés plus longtemps et cela pourrait avoir un impact à long terme. 

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