Rodolphe Krauss : "La finance ressemble à la reine d’Angleterre, riche de traditions et d’histoire"

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Pour vous, la Fintech ne date que de quelques années ? Et que nous vivons une époque sans précédent pour la finance, révolutionnée par des technologies comme l’Intelligence Artificielle, le deep-learning, les robo-advisors, etc. ? La Fintech n’a t’elle pas d’histoire ?
Ce n’est pas l’avis de Rodolphe Krauss, professionnel de la Finance et historien de formation (et de passion !). C’est en tombant sur son profil Twitter que nous avons eu envie de l’interroger et d’appréhender la Finance par le passé.  “Historien tombé dans le  et la  .“, Rodolphe Krauss nous embarque dans un tour historique de la Fintech.
[Retrouvez ici notre chronique sur l’origine du mot Fintech]

Quels ont été les acteurs pionniers à allier finance et technologies ?

Les pionniers de ceux qui forment aujourd’hui notre monde financier sont à chercher du coté des villes italiennes et des grandes foires médiévales. Les sujets qui préoccupent les financiers aujourd’hui étaient déjà à l’époque les préoccupations des marchands des XIIe et XIIIe siècles.

L’invention de la société anonyme avec ses actionnaires, ses actions, ses dividendes date de cette époque, dans la vallée de la Garonne avec les moulins. La lettre de change est l’innovation de cette époque pour répondre au problème de la circulation des capitaux, enfin l’assurance pour dynamiser les aventures commerciales une invention génoise.

Levée de capitaux, circulation des capitaux, assurance des entreprises commerciales, tout ce qui fait l’essence de notre monde financier contemporain est déjà là. Nos cartes bancaires ne sont au fond que des lettres de change avec des puces. Et quand on achète des actions pour les loger dans notre PEA, en réalité on fait exactement la même chose que nos ancêtres du Moyen-Age. Rappelons au passage que le mot banqueroute date de cette époque !

Quelle a été la première technologie à réellement révolutionner la finance ?

La lettre de change qui a permis aux capitaux de circuler d’un bout à l’autre du monde. Sans circulation des capitaux il n’y a pas de finance possible. Nous pourrions voir dans l’invention de la monnaie, la première pierre du monde financier. Cela nous ramène au IVe siècle avant notre ère, avec les premières monnaies romaines. Pendant longtemps, le change fut une activité importante, chaque ville ayant sa propre monnaie, l’activité de change était importante dans le système financier. D’une certaine manière, notre Forex actuel découle de cette époque. La technologie n’est pas qu’affaire de pixels.

La technologie n’est pas qu’affaire de pixels.

Si la finance était une personne, qui serait-elle ?

Une vieille personne mais qui reste active. On le voit aujourd’hui : elle a ses petites habitudes, ses réflexes, ses rhumatismes et tant bien que mal, elle essaie de se trouver une nouvelle jeunesse, un nouveau souffle.

Ce n’est pas facile, c’est peut-être à cause de cette longue histoire que la finance est l’un des derniers secteurs à faire sa mue numérique mais aussi à prendre en considération des concepts nouveaux comme l’expérience client.

Pour forcer le trait, la finance ressemble à la reine d’Angleterre, riche de traditions et d’histoire, de succès passés mais qui doit s’adapter au monde qui change pour continuer à exister et peut-être continuer à régner.

Et les financiers de demain, qui sont-ils ?

La finance doit permettre à l’économie de vivre, elle a un peu le rôle du sang dans l’organisme. Les financiers ne sont pas là pour gérer un pactole déjà existant, ils sont là pour permettre à un système fondé sur l’échange d’exister.

Au-delà de comprendre la finance pour la finance, le financier de demain doit être en capacité de comprendre les évolutions de la société qu’il doit servir. Le financier de demain doit remettre de l’humain là où il avait disparu, comprendre l’économie qu’il doit faciliter. Il doit être capable de prendre pleinement conscience de son rôle dans le monde dans lequel il vit. Les questions d’évolution technologiques sont à mon sens secondaires, les innovations de demain doivent pouvoir répondre à la même question « comment être plus utile à la société ? ». C’est en voulant répondre aux besoins que la société posait que la finance est devenue ce qu’elle est devenu.

“L’age d’or de la finance est fini !” quelle réponse donnerait à cela un historien ?

Est-ce qu’il y a eu un âge d’or de la finance ? Peut-être que cela coïncide avec l’âge d’or du capitalisme au XIXe siècle, siècle des grands projets fort consommateurs de capitaux comme les chemins de fer. Un âge d’or qui voit des financiers posséder plus que de raison comme JP Morgan. Mais n’oublions pas les financiers des XVIIe et XVIIIe siècle qui possédaient encore plus comme Samuel Bernard ou Antoine Crozat. Mais cette finance conquérante coïncide avec une économie peu régulée, où l’envers du décor est brossé par Zola. Soyons franc, l’âge d’or est en soi un mythe, un regard que chaque époque jette sur la précédente sans aucune mesure, ni raison.

Quels impacts l’histoire de France peut-elle avoir sur l’industrie Fintech ?

L’histoire de France n’est pas celle d’un pays de marchands, bien au contraire. Pendant longtemps, réussir sa vie en France était servir le roi. Les valeurs telles que l’honneur étaient plus importantes que celles liées à l’argent. Certaines expériences financières ont échaudé les Français, que l’on songe au krach de la rue Quincampoix en 1720, aux assignats lancés sous la Révolution qui ne valurent plus rien en peu de temps, aux emprunts russes sous la IIIe république qui tapissent aujourd’hui nos brocantes.

Et l’on comprendra que les Français ne sont pas très à l’aise avec la finance. Mais, l’économie française fut vivace pendant des siècles, dans les ports, dans les îles, dans les vallées de Franche-Comté, dans certaines villes ; et rappelons que le colbertisme, un capitalisme bien français a dessiné la carte économique de la France dès le XVIIe siècle. Si aujourd’hui la France est le pays du luxe, c’est bien grâce à des décisions prises sous Louis XIV. Il y a une France paysanne et une France commerçante.

Rien ne prédestine les Français à être des éternels seconds en finance et en économie, ils n’ont pas toujours été les Raymond Poulidor dans ces domaines. Aujourd’hui, la Fintech française est riche de nouvelles choses, dans un pays qui a inventé la carte à puce, cela ne doit pas être étonnant. Certes, le capital risque français n’est pas encore à la hauteur de ce qui se passe dans les pays anglo-saxons, mais l’esprit d’entreprise et d’innovation fait parti de l’esprit français.

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