Relance des prêts immobiliers: les courtiers tellement décus

Cyrille Pitois
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Une nouvelle fois la réunion de lundi 4 décembre du Haut conseil pour la stabilité financière déçoit les professionnels du courtage, alors que le ministre de l’économie Bruno Le Maire avait laissé espérer dans les heures précédentes des ajustements pour relancer les octrois de prêts immobiliers, au plus bas depuis sept ans. Les trois mesures annoncées reconduisent des dispositifs qui existaient déjà peu ou prou, et Bérangère Dubus, secrétaire générale de l’Union des intermédiaires de crédit (UIC) ne décolère pas.

Finance Mag : vous êtes en colère à l’issue de la récente communication du HCSF ?

Bérangère Dubus : Je suis folle de rage. Je suis en colère après les mesures annoncées, mais le pire c’est l’injure faite à l’intelligence en essayant de nous faire croire qu’on va changer l’accès au logement avec trois ajustements qui n’en sont pas vraiment. On nous annonce qu’il pourra y avoir un différé de remboursement pour une part de travaux. Mais ca existe depuis toujours. Au lieu de libérer le crédit, on pose une exigence supplémentaire puisque le montant est plus faible. On nous annonce aussi qu’en cas de prêt relais, celui-ci ne sera plus pris en compte dans le taux d’effort, ce qui est déjà le cas. De plus c’est une mesure qui ne concerne en rien les primo accédants.

Et enfin on nous annonce qu’il pourra y avoir des recours contre les refus d’octroi de crédit. Or les banques ont la loi pour elles : elles ont la liberté contractuelle. La possibilité de recours ne débloquera rien du tout. Sur quelle base légale va-t-on demander aux banques de donner des explications ? On va juste expliquer aux gens pourquoi ils n’ont pas obtenu leur prêt. Ca ne change rien à la réalisation de leur projet. Il n’y a rien pour débloquer la situation et permettre de nouveau aux Français d’accéder à la propriété.

FM: Vous êtes pourtant intervenue à plusieurs reprises auprès des ministres. Vous espériez faire bouger les lignes ?

BD : Au congrès des maires, je suis montée sur scène, seule, pour détailler le contenu d’un rapport que j’ai remis au ministre de l’économie Bruno Le Maire et qui a fait consensus. Ca fait un an que Bercy annonce qu’il faut libérer l’investissement. Et il ne se passe rien encore une fois. Le gouverneur de la Banque de France empêche toute prise de décision significative par le HCSF !

FM: Vous cherchez aussi à sauver la profession de courtier qui est malmenée, votre facturation intervenant lorsque la banque accepte le dossier de prêt ?

Plus la situation est compliquée plus les gens ont besoin de courtiers. Personnellement je suis à 97 % de réalisation de mes demandes. La profession n’est pas en danger. C’est du logement des français dont on parle. Aujourd’hui, il y a des étudiants qui abandonnent leurs études faute de pouvoir se loger, des salariés qui dorment dans leur voiture, des femmes battues qui ne peuvent pas quitter le domicile conjugal… Le crédit est la pierre angulaire de la politique du changement. Il a fallu un an pour obtenir un déblocage du taux d’usure. Les candidats à la propriété qu’on a perdus pendant ce temps là, on ne les retrouvera plus.

Le logement est un cercle vertueux. Quand une famille accède à la propriété, elle libère un appartement pour un couple qui sort du parc social, qui lui-même libère un appartement du parc social pour un étudiant qui entre dans la vie active et libère donc un logement universitaire. Quand tout se bloque par le haut, derrière c’est une pyramide qui s’écroule pour tous ceux qui connaissent des accidents de la vie. On prépare un drame social et une crise humaine.

FM :Les banques avaient pourtant commencer à desserrer un peu l’étau ?

BD : Oui les banques veulent de nouveau prêter. Mais il ne va plus rien se passer avant le mois de février et la prochaine réunion du HCSF. La question que je me pose c’est de savoir si nous sommes gouvernés par des politiques ou par des personnes nommées ? C’est du mépris pour la crise du logement que les Français traversent depuis plusieurs mois déjà.

Le Sénat lance une mission sur la crise du logement

Mise à jour 6.12.2023: La commission des affaires économiques du Sénat décide de lancer une mission d’information sur les causes, les conséquences et les remèdes à la crise du logement. La mission doit “identifier les racines de la crise et proposer des solutions conjoncturelles et structurelles.” Pour la présidente de la commission, Dominique Estrosi Sassone (LR, Alpes-Maritimes), et rapporteure de la mission, “le gouvernement prend le risque d’être le pyromane d’une crise qui est politique parce que avec le logement, on touche à l’essentiel. Il ne faut plus compter sur un ajustement naturel par la main invisible du marché.” Armel Gacquerre (Union centriste Pas-de-Calais) et un sénateur du groupe socialiste, écologiste er républicain seront également membres de la mission.

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