Covid-19 : Tirer les enseignements de la crise

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NDLR : Cet article est le n°6 d’une série, au nombre de 9, sur base d’entretiens et d’échanges réalisés par Howard Partners, avec des opérationnels. Retrouvez les articles précédents en fin de cet article.

Avarice cognitive ou cupidité financière court-termiste, nos modèles, à toute échelle, n’ont pas été préparés, aucune solution envisagée. Cette crise nous rappelle aussi que les plans de continuité et leurs stratégies de réponse ne doivent pas avoir, pour seule finalité, la préservation des opérations techniques ou financières de l’entreprise. Sans être tout à fait sortis de cette crise, loin de là, trois enseignements nous éclairent et balisent le chemin.

À défaut de prévention, à chaque échelle, sa réponse curative. 

Le premier enseignement, global, porte sur la crise elle-même. Alors même que l’on constatait encore, à la veille du confinement, les actions du plan de sauvetage du krach de l’automne 2008, à savoir une politique de taux extrêmement bas et des libérations de liquidité sur les marchés financiers, on peut s’interroger sur la réelle résilience de la finance mondiale. Cette nouvelle crise, de source sanitaire et non financière, impactant l’économie réelle, semble faire appel aux mêmes recettes. Une nouveauté, à l’initiative européenne et française, porte sur la mise en place d’un plan de soutien directement aux entreprises, aux indépendants et aux salariés. Mais, cela se fera au prix de dettes souveraines encore alourdies. 

La planète a déjà expérimenté au moins cinq autres grandes expansions virales (SRAS, H1N1, MERS, Ebola, Covid19) ces 20 dernières années, et leur fréquence n’a aucune raison de décroître. Bien au contraire, on constate une véritable accélération quasi-exponentielle du nombre de pandémies. Les 5 dernières pandémies ont eu lieu sur les 20 dernières années. Les 10 dernières sur 2 siècles. Les 15 dernières sur 5 siècles. Les 20 dernières sur 2 millénaires. En outre, d’autres natures de risques, à haute probabilité d’occurrence et à forts impacts, menacent et sont détaillées par le CRO Forum. Quelles seront les conséquences, si ces secousses venaient à s’inviter périodiquement, qui plus est, en mode systémique ? L’édifice financier et économique tiendrait-il ? A l’évidence, il n’y a pas de réponse évidente !

Or, aucune réponse complète et réaliste, au sens préventif, n’est, à ce jour, formulée. Des réactions, au sens curatif, en revanche, semblent se dessiner. 

En France, le secteur financier s’oriente, pour l’avenir, vers des mécanismes de fonds de solidarité, incluant des garanties spécifiques pour les pandémies lors des souscriptions, comme il en existe déjà pour les attentats (depuis 1985), ou les catastrophes naturelles (depuis 1982). Rappelons, s’il était utile, que les assurances ont pour vocation, la mutualisation des risques, aléatoires, comme un accident de voiture, et ne peuvent, dans la forme actuelle de leur modèle économique, subvenir financièrement aux impacts systémiques d’un risque de pandémie, par exemple, sans avoir en contrepartie, un capital dédié de garanties souscrites et des provisions. Cependant, on comprend que la mise en place d’un fonds de catastrophe pandémique serait terriblement gourmand en montant et reposerait sur une réelle complexité, tant d’un point de vue des négociations et de la gouvernance, que de l’écosystème financier, politique et opérationnel à coordonner.

Les acteurs de l’assurance jouent un rôle majeur de soutien et d’atténuation des impacts économiques de la crise.

En ce qui concerne la lutte concrète et actuelle contre l’impact économique, bien que n’ayant aucune garantie souscrite par leurs clients, les membres de la FFA puisent dans leurs trésors de guerre, pour contribuer à hauteur de 200 millions d’Euros, au fonds de solidarité pour les indépendants et les TPE. Ils s’engagent également – à conserver en garantie les contrats des entreprises en difficulté en cas de retard de paiement, ce sur toute la durée de la période de confinement, – à différer le paiement des loyers pour les PME et les TPE appartenant aux secteurs, dont l’activité aura été interrompue – à prendre en charge les indemnités journalières issues des arrêts de travail des personnes fragiles (ALD, femmes enceintes, …).

D’autres fédérations se mobilisent sur le territoire, créant des fonds d’actions mutualistes de solidarité pour les situations les plus précaires, dans la perspective d’une contribution à l’aide médicale, au travers des hôpitaux et des cliniques mutualistes, tout en finançant les services à la personne du personnel médical, ou encore, en payant les factures fournisseurs, avant le délai légal, pour soulager leur trésorerie. D’autres acteurs, individuellement, s’engagent à préserver leurs clients, en reversant une partie des cotisations, notamment sur la filière IARD. D’autres encore indemnisent une partie des pertes d’exploitation de leurs clients professionnels, en dehors de tout cadre contractuel.

Au total, la contribution du secteur frôle maintenant les quatre milliards d’Euros.

Vous avez dit ‘plan de continuité d’activité’ ?!

Le second enseignement concerne le plan de continuité d’activité. Dans leur extrême majorité, les PCA sont déterministes (et si le bâtiment était inaccessible !). Or, un PCA doit trouver sa raison d’être dans l’occurrence-même d’un risque (menace, vulnérabilité, impacts), qui peut, d’ailleurs, en induire d’autres, d’intensité variable. Les risques doivent donc être envisagés, interdépendants et scénarisés. C’est d’ailleurs bien comme cela, qu’ils sont modélisés par toutes les Directions des risques des banques et assurances. Il est à noter que l’actuelle pandémie alimente déjà bien d’autres menaces, comme la recrudescence des cyber-attaques, et les fraudes.

A titre d’illustration, sur les 6 semaines passées de cette crise, l’environnement réglementaire a été et est encore en constante évolution. Les PCA du secteur financier doivent gagner dans la prise en compte holistique des sujets, car rares sont ceux qui avaient anticipé la densité de cette matière, la charge de suivi et des plans d’actions opérationnels en résultant.

Même si la prise d’initiatives est recommandée dans la mise en œuvre d’un PCA, cette dernière a montré des marges de progrès dès les premiers jours, ce pour une très grande majorité des acteurs. Malgré un taux d’opérationnalité important des PCA dans les services financiers (déclaratif), bon nombre de défaillances ont été relevées, notamment des collaborateurs sans profil d’authentification externe ou sans matériel, une bande passante insuffisante, une cybersécurité dégradée, une non-maitrise des modalités de travail à distance par les collaborateurs, une bascule vers le full digital des actes de gestion inopérante, des engagements de services partenaires non tenus, une distribution particulièrement déstabilisée, des réaffectations de ressources sur les plateformes d’appels inopérantes, … 

Cela dit, objectivement, les banques et assurances s’en sortent mieux que d’autres secteurs et ont surtout fait montre d’une grande agilité pour traiter rapidement ces disfonctionnements. Par ailleurs, de fortes disparités sont constatées en matière de mise en œuvre en fonction de la taille des acteurs.

L’exécution de la partie du plan de retour à la normale pourrait mobiliser autant d’énergie, et contenir une bonne part d’improvisation.

Ainsi, il serait certainement utile, avant l’amnésie de la relance d’activité, de réaliser un post-mortem, sous forme d’audit cartographique, afin de cibler les failles et d’identifier les écarts avec les best-practices (heat map), qui ne seront plus à l’avenir un « nice to have », mais bien des « must have ». Le modèle de pertinence du PCA (sensibilité coûts/avantage) en sera affiné et enrichi. 

Le PCA est une obligation légale pour le secteur financier (banque, paiement, investissement) soumis au contrôle de l’ACPR. Une articulation plus étroite entre l’univers des risques couvert par le PCA et la cartographie des risques d’entreprise, permettrait de capitaliser sur les visions des deux parties. Schématiquement, la première possède une valence historique sur les risques opérationnels technologiques, accidentels ou provoqués et la seconde sur les risques financiers, stratégiques ou de conformité. Non limités dans le temps et ou géographiquement, les risques systémiques sont plus complexes et difficiles à appréhender, en particulier lorsqu’il s’agit du risque pandémique qui est resté le parent pauvre des PCA. Ce dernier gagnerait à renforcer son caractère holistique et transversal en incluant, dans son champ d’instruction, toutes les dimensions de la chaine de valeur. Le raisonnement doit aussi plus s’ouvrir au-delà des bornes de l’organisation car l’écosystème des services financiers est particulièrement riche et vivant. Au-delà de la continuité des activités et processus critiques, pour les risques systémiques en particulier, il doit maintenant être la recherche de continuité maximale de l’activité au global. Naturellement porté par un sponsorship au plus haut niveau, le PCA remplira encore mieux sa fonction, à savoir la résilience de toute l’entreprise. Ses lettres de noblesse sont à écrire, son articulation avec la stratégie aussi.

En attendant, pour les activités maintenues durant le confinement comme pour les semaines, voire les mois à venir, selon les modalités de reprise, les entreprises devront apprendre à travailler dorénavant avec ce risque pandémique, avec le souci majeur de protéger les collaborateurs, et aussi d’éviter de nouveaux foyers. Pendant ce temps d’adaptation pour tous, période tampon inévitable avant de regoûter à sa liberté et à l’insouciance, de nombreuses habitudes pourraient se sédimenter et se généraliser (paiement sans contact par mobile, livraison massive à domicile, nomad working, …), ou vont émerger (port du masque en Europe en cas de maladie, mesures d’hygiène physique contraignantes, consultation médicale en ligne marginale avant crise).

Face aux crises et à l’inconnu, trouver le juste équilibre entre subir en encaissant et changer en anticipant et se préparant. 

Le troisième enseignement, découlant du second, livre en plein jour, la vulnérabilité, la dépendance et l’impréparation européenne, française en particulier, devant l’ampleur inattendue du phénomène. A sa décharge, elle n’a eu aucun galop d’essai, a contrario du continent asiatique, qui avait subi des crises majeures et autant d’expériences, ces dernières années, avec de surcroit une culture de protection contre les états grippaux (masques, contacts ,…). Cette culture de protection est inhérente à la notion de responsabilité individuelle. Les asiatiques, tout comme d’autres pays, ont développé, depuis toujours, la culture de la responsabilité individuelle, basée sur la compréhension par tous d’un collectif clairement énoncé et donc intégré. La culture française est beaucoup plus fondée sur un pouvoir fort et centralisée, qui a tendance à plutôt infantiliser les citoyens, sans que la vision, ce projet commun et collectif soient définis. Vouloir responsabiliser les individus, sans qu’ils sachent pourquoi, crée des incompréhensions, des atermoiements, se traduisant par des comportements individualistes et désorganisés. L’agilité, la résilience, c’est aussi l’intelligence du collectif, en d’autres termes, des individus animés par un désir commun, une responsabilité individuelle. 

A moyen et long terme, le comportement du secteur des services financiers restera tributaire des dynamiques de marché, des relances d’activité à l’identique, du nombre de faillites, des possibles concentrations de marché, du durcissement des prix, …

Or, un des enjeux sera de modifier les modèles économiques pour être résistant aux risques, pour anticiper, et surtout ne plus subir, ou dans une moindre mesure. La résilience, c’est la prévention et la désensibilisation des modèles aux risques. 

En fonction des ambitions et des stratégies, il conviendrait, dans un premier lieu, de :

  • minimiser la survenance de la contamination, en agissant sur les facteurs favorisant la mutation des virus, la proximité et la transmission à l’homme du virus ou la sécurité des laboratoires en charge des recherches,
  • amoindrir ou annihiler les effets biologiques sur l’homme.

À défaut d’éviter la première contamination, plusieurs voies se présentent pour anticiper la transmission pandémique et l’occurrence du risque, à savoir : 

  • faciliter la réactivité de la réponse à apporter, grâce à un accès à l’information et une meilleure transparence, une gouvernance et une gestion coordonnées au niveau international, 
  • prendre les mesures de non-propagation virale, en disposant du matériel idoine, par une gouvernance mondiale des stocks de matériels dits essentiels, au titre de l’humanité,
  • instaurer des procédures de travail adaptées en fonction des activités et de leur essentialité. 
  • doter le modèle économique d’un véritable « plan de continuité économique », ou de manière dégradée, d’amortisseurs de crise, via des fonds de garantie pour catastrophe pandémique, une surcapitalisation des fonds propres et des provisionnements de trésorerie (sur le modèle de solvabilité des banques et assurances, par exemple)

Chacun devra imaginer la solution la plus efficiente en fonction de ses enjeux, économiques, stratégiques et opérationnels, mais aussi en fonction de sa culture, de son histoire, de ses ressources humaines, le tout pour essayer d’avoir en dernier recours, à subir un nouveau confinement !

Pour information : Devoir de confinement : calculer le coût de l’anticipation.

Adonnons-nous l’espace d’un instant à l’exercice du speed thinking, l’idée n’étant pas d’avoir la solution ou d’être d’une extrême précision, juste d’avoir des ordres de grandeur. Pour ce qui nous concerne, la propagation virale ne résiste pas à une isolation physique. Une solution brute et musclée pourrait consister à tous porter, moyennant un peu de discipline, quotidiennement un masque (x2), des gants (x2), une combinaison intégrale et un écran facial. Hypothèses :

Pour 2 mois d’équipement, le tarif public et unitaire est de moins de 580€TTC par individu,

Toute personne non productive est en confinement ou équipée à ses frais (ou surtout si le stock le permet) et sont équipés les 19 millions d’actifs en emploi hors télétravailleurs habituels ou occasionnels (29% des salariés) et enseignants.

Les 11 md€ résultants peuvent être lissés, la moitié en stock, l’autre en capacité de production latente. La validité de l’équipement est de 5 ans permettant un renouvellement annuel et réduit d’autant la facture. Une centralisation minimum des achats, un roulement avec la fonction médicale, une mutualisation avec les autres professions requérant ce type d’équipement et le retrait de la TVA nous amèneraient à 23€ par actif annuel ou 0,5% du budget de l’état Français (420m€). On peut bien sûr largement optimiser (gestion de stock, revente partielle, etc.) mais c’est l’idée grossière que l’on pourrait se faire du coût majoré de l’anticipation et de la prévention avec les hypothèses retenues.

En attendant et en comparaison, il est avancé que l’augmentation de la dette pourrait atteindre 115% du PIB soit un coût de 360md€. L’usage veut que les budgets de dépenses soient toujours sous-estimés en première instance. Celui-ci est donc minoré.

Bilan, il faudrait qu’il s’écoule au moins 850 ans sans pandémie pour investir à perte ! 

-> ???? Subir  ou  ???? Anticiper ?

Ce qu’il faut retenir :

  • Les risques qui pèsent sur le monde sont d’ordre multiple, à la fois financier, biologique, climatique, … la fréquence des crises s’annoncent à la hausse. La résilience de l’économie et de ses modèles est questionnée.
  • Les réponses apportées sont plutôt curatives. Aucune action sur l’appréhension du risque n’est envisagée, aucune opération d’anticipation n’est lancée.
  • Les plans de continuité d’entreprise méritent d’être construits de manière plus transverse et holistique, plus stratégiques.
  • Une approche des risques systémiques est encore plus nécessaire pour prévenir les impacts, tout en limitant les coûts.

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